Chapitre 5

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Lorsque Stiles se réveilla ce matin-là, il sut que sa journée allait être difficile à supporter mentalement. Sans savoir vraiment pourquoi, il s'y attendait, c'est pourquoi il eut bien du mal à se lever de ce canapé pourtant si confortable. Derek s'était bien proposé pour prendre sa place mais l'hyperactif avait refusé, arguant que le simple fait d'être confiné ici lui laissait au moins le droit de décider où dormir et il était hors de question que son hôte garde le canapé alors qu'il était chez lui. Stiles avait encore un peu de savoir-vivre.

Ce qu'il avait dit à Derek avait tourné en boucle dans sa tête toute la nuit, l'empêchant de se reposer convenablement. Il s'était éveillé aux alentours de trois heures du matin après avoir fait un cauchemar des plus désagréables et avait réfléchi longuement, jusqu'à se rendormir aux environs de cinq heures. Deux heures d'une intense réflexion, de remords, de honte, d'espoir, de souffrance. Il avait même continué de lire le premier carnet écrit par sa mère durant quelques minutes. Cette activité étant particulièrement douloureuse pour lui, il l'avait vite arrêtée, tant les larmes lui étaient rapidement montées aux yeux. Le passage sur lequel il était tombé n'était pas des plus tendres.

« J'ai eu envie de le tuer. Plusieurs fois. Et pourtant, malgré cette envie qui ne me quitte pas, je n'ai essayé que quelques fois, sans jamais aller au bout, sans jamais qu'il se rende compte de ce qui lui arrivait. Cet imbécile ne comprenait jamais que c'était moi.

La première fois, j'ai essayé de le noyer. On était au lac de Beacon Hills, il avait... Peut-être quelque chose comme quatre ou cinq ans, je ne sais pas. Il était petit. Je n'ai jamais réellement su son âge, ce n'est pas quelque chose qui m'intéresse. Son père était parti se balader un peu dans la forêt et je n'ai pas pu me résoudre à lui confier le monstre. De toute manière, Noah n'aurait pas compris. J'essaie de tout faire pour qu'il ne se rende pas compte que son fils... Ne compte que pour lui. Comment le prendrait-il si je lui disais que je voulais la mort de cette chose ? Mal. Noah aimait les enfants et avait toujours rêvé d'être père, je ne pouvais pas lui enlever ce bonheur-là. Pour autant, j'ai quand même voulu le tuer, j'ai essayé. J'ai mis sa tête sous l'eau et je l'y ai maintenue. Il se débattait pour survivre mais sa force d'enfant était dérisoire par rapport à la mienne et ses ongles étaient trop courts pour me griffer. J'aurais pu le tuer, ce jour-là, et faire passer ça pour un accident. Mais j'ai entendu Noah au loin. Il nous criait de venir voir quelque chose et j'ai su que je ne pouvais pas tuer l'enfant, pas tout de suite. Noah n'aurait jamais cru en la thèse d'un accident. Il m'aurait mise en prison. Je ne veux pas aller en prison pour une injustice. La voilà, mon injustice : cet enfant n'aurait jamais dû naître. Alors, j'ai remonté cette abomination qui m'a regardée avec des yeux de merlan frit, un regard stupide qui m'avait donné envie de vomir et de le replonger sous l'eau. Je lui ai souri sans rien laissé paraître et je lui ai dit que ça, c'était le jeu du requin, et que le but était de tenir le plus longtemps possible sous l'eau. Il a vite oublié cet incident et nous sommes allés rejoindre Noah.

Je me souviens de la seconde fois où j'aurais pu le tuer facilement. A vrai dire, j'avais l'arme et la motivation. Ce qui me manquait, c'était l'alibi et un coupable. C'était quelques années plus tard, il dormait dans sa chambre et Noah dans la nôtre. Je me suis levée parce que j'avais soif et j'ai vu la lumière produite par sa veilleuse en passant dans le couloir. Cet imbécile a toujours eu peur du noir et est incapable de dormir sans lumière et la porte fermée. Il la laisse toujours entrouverte et c'est quelque chose qui m'énerve mais je ne disais rien. Noah aurait pu se douter de quelque chose et ça, ce n'était pas envisageable. Je l'aime, mon mari, il n'est pas question qu'il s'imagine que j'ai envie de tuer le fruit pourri de notre amour. Il m'aimerait moins. Il ne peut pas m'aimer moins. Il n'a pas le droit.

A la dériveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant