Chapitre 3

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Pourquoi ai-je accepté de babysitter une gamine de quatorze ans aussi aimable que mes toilettes ?

Ha oui.

Pour l'argent. Et pour le voyage gratuit à Séoul, mais surtout pour l'argent.

Mais la somme rondelette que m'a versée mon père justifie-t-elle de courir à travers un aéroport bondé tout en subissant les critiques d'une mini-mégère ? Tout ça parce que ladite mini-mégère a absolument voulu s'arrêter dans la zone duty-free pour acheter le même parfum que sa chanteuse préférée. Chanteuse à cause de qui j'ai passé la nuit en voiture et suis sur le point de monter dans un avion au lieu de travailler mes manuscrits. 

— Mais tu fais jamais de sport où quoi ? crachote la vipère. Tu souffles comme un rat mort, là, dépêche toi !

— Ça souffle pas, les rats morts.

Elle ne m'écoute pas, bien sûr, et redouble de vitesse. Nous ne sommes même pas en retard ; elle veut juste être la première à monter dans l'avion. Comme la gamine mal élevée qu'elle est.

J'ai tellement hâte de subir les regards courroucés des autres passagers ! D'être jugé sur l'éducation d'une adolescente qui n'est pas la mienne et sur laquelle je n'ai aucune autorité ! 

À la première œillade assassine, je me répands en excuse. À la deuxième, je me liquéfie de honte. À la quatrième, je pense à tourner les talons et laisser Kamilla se débrouiller. À la huitième, j'ai envie de prendre ma demi-sœur par les épaules pour la secouer.

Et dire qu'il reste encore dix longues minutes avant de pouvoir monter dans l'avion !

Excédé par les chuchotements qui se sont joints aux regards, j'extirpe mon casque de mon sac et mets la musique aussi fort que possible sans risquer de manquer l'annonce d'embarquement. À trois pas de là, Kamilla trépigne. Elle vérifie son sac, arrange ses porte-clefs KPOP des dizaines de fois. Rectifie sa coiffure. Sort même un petit miroir pour se remaquiller. Trépigne encore. Interpelle le personnel (avec un certain manque de politesse si j'en crois le visage crispé de la pauvre jeune femme). Kamilla tourne soudain son visage arrondi par l'adolescence vers moi. Ses lèvres bougent. Ses yeux se plissent. 

J'hésite... continuer d'écouter ma musique pop rock, ou bien l'éteindre et subir des sifflements de vipère juvénile ? L'œil humide et suppliant de l'hôtesse me pousse à retirer mon casque et à me lever pour les rejoindre.

Je suis définitivement pas assez payé pour ça.

— Stan ! Dis-lui que c'est l'heure ! 

La jeune femme lève à demi les yeux au ciel avant de m'adresser un salut (auquel je réponds d'un hochement de tête) et de me demander si je suis de la famille de « cette charmante passagère ».

— Charmante, charmante, c'est vite dit, répliqué-je. Je suis son toutou-sitter et croyez-moi, je souffre autant que vous ! Le pire, c'est que j'ai rangé sa muselière dans ma valise. Pof. En soute. Mais si vous me dites qu'elle vous a mordu, je l'inscris à un stage de bon conduite ! 

— Tch, boomer !

— On peut considérer ça comme une morsure, si vous voulez, me propose l'hôtesse, un poil plus détendu. Dommage que vous n'ayez pas sa cage, elle aurait pu voyager en soute.

— Ha, je savais que j'oubliais quelque chose ! 

Kamilla me pousse d'un coup d'épaule et se hisse sur la pointe des pieds pour paraître plus grande.

— N'empêche que c'est toi qui va être obligé de me suivre partout à Séoul ! Au pop-up store où je dois acheter le lightstick, au bâtiment de XoXoindustry et même au concert, donc le sale chien, c'est toi !

Famous 𝓘𝓭𝓸𝓵, Secret 𝓵𝓸𝓿𝒆Où les histoires vivent. Découvrez maintenant