« Attends, mais tu parles français ? »
Vraiment, Stan ? Tu n'avais rien de plus intelligent à dire ? Parce que n'importe quoi aurait été plus intelligent que ça, même évoquer une terre possiblement plate !
Bon, peut-être pas évoquer une terre possiblement plate, ça, c'est quand même le niveau ultime de la stupidité intersidérale. Moi, je me suis arrêté au niveau « t'es complètement con, mon pauvre ! »
Et Grognon le pense si fort que je l'entends à travers son regard. Même si je ne peux pas trop expliquer par quelle opération métaphysique c'est possible.
— Quel sens de l'observation... bientôt, tu vas découvrir que je suis assis à la place de Jeonho ?
J'ouvre de grands yeux exagérément effarés :
— Quoi ? Tu n'es pas Jeonho ? Attends, je croyais que tu étais allé faire une teinture express et que tu avais décidé de troquer ton sourire contre un air grognon, moi !
Il tord la bouche, émet un son étrange qui ressemble au feulement d'un chat enrhumé.
— Si moi j'ai l'air grognon, t'as l'air de quoi, toi ? D'un zombie aigri ?
— J'ai pas dormi depuis vingt-quatre heures au moins, exagéré-je.
— Et moi depuis trente-six heures au moins, rétorque-t-il, impassible.
Ha, il veut jouer à ça ? En fait, moi aussi : c'est drôle et ça m'occupera le temps que le foutu fansign finisse.
— J'ai été obligé d'écouter une gamine me parler de KPOP pendant quarante-huit heures, enchéris-je.
Après avoir vérifié que personne ne s'intéressait à nous, Grognon se tourne vers moi, plante ses coudes dans ses genoux et joint ses mains devant son menton :
— OK, le premier qui détourne les yeux ou qui rigole a perdu.
J'imite sa position, concentré.
— Ça me va. C'était ton tour.
— Moi, j'ai été obligé de sauver un mec qui connait rien à la KPOP pendant cinquante-deux heures !
— J'ai été obligé de suivre un manager de KPOP parce que j'étais perdu pendant soixante heures !
L'état du scénariste de ma vie ne va pas mieux, parce que je suis actuellement en train de me chamailler avec un idol dont je ne connais pas le nom, et nous y prenons tous les deux beaucoup trop de plaisir.
— Et moi, ça fait maintenant soixante-cinq heures que je suis obligé de parler côtoyer une vipère juvénile, qui est aussi ma demi-sœur et qui m'a même à assister à l'arrivée de chanteurs que je connais pas à l'aéroport.
— Et moi, ça fait soixante-dix heures que je dois supporter les cris des sasaeng et des solos stans alors que j'aime pas les sasaeng et les solos stans.
C'est vraiment le stroumph grognon, en fait. Il devrait se teindre les cheveux en bleu.
Il me scrute, conscient que je n'ai pas compris de quoi il parlait. Je ne détourne pas le regard. Je ne m'étonne pas. Je ne souris pas. Hors de question de perdre !
— Et moi, ça fait soixante-quinze heures que je suis célibataire et au lieu de manger un pot de glace bien mérité, je me retrouve à parler au stroumph grognon qui a pris tellement d'hormones qu'il est devenu Gargamel.
Un double battement de paupières. Il peine, mais tient le coup. Une seconde. Deux secondes. À la troisième, il abandonne en levant les mains.
— OK, OK, t'as gagné, j'ai trop besoin de savoir : tu t'es vraiment fait larguer juste avant de te faire embarquer en Corée du Sud par ta petite sœur ou c'était juste pour gagner ?
Je me replace correctement sur mon siège, gonfle mes joues. Expire.
— Les deux, chef.
— Seungyoon a raison, tu devrais vraiment écrire ton aventure...
— Comment...
Grognon m'interrompt d'un geste suffisant de la main avant de s'enfoncer dans sa chaise.
— C'est mon manager et mon cousin. Il m'a répété tout ce dont vous avez parlé pour me punir de l'avoir forcé à te sauver.
— Oh... alors c'était toi ?
— Ouais, mais t'emballe pas, c'était à cause de Jeonho. J'suis dans la même chambre que lui, il aurait été intenable si j'avais rien fait. Déjà qu'il nous soule depuis ce matin avec le « blond mystérieux de l'aéroport »... Yaaah, j'aurais dû te dire ça ! Et moi, ça fait quatre-vingts heures que je me fais bassiner à ton propos par mon meilleur pote !
— Trop tard, j'ai déjà gagné, fanfaronné-je en me retenant de tirer la langue.
Nous nous regardons en chien de faïence sans plus rien dire. Sur la scène, Kamilla et Kloé arrivent enfin devant les idoles. Elles ont l'air d'avoir oublié que j'avais leur téléphone et c'est tant mieux. Grognon sort le sien, de téléphone. Commence à pianoter dessus.
C'est étrange, mais je me sens bien à ses côtés. C'est facile. Il parle quand il en a envie, arrête de parler quand il en a marre. Ce n'est pas lourd. Pas compliqué. C'est peut-être pour ça que je suis si facilement entré dans son jeu. Que je me suis si facilement livré à lui. Ou bien c'est parce qu'il est un inconnu célèbre et inaccessible à qui je ne parlerai sans doute plus jamais.
— T'écris où ? me demande-t-il subitement.
— En général, chez moi.
Le regard en biais qu'il me jette me renvoie la stupidité de ma phrase en pleine face.
— Ravi d'avoir l'information, mais c'était pas la question, bougonne-t-il. Je veux savoir où on peut trouver ce que t'écris.
— Pourquoi ? me méfié-je aussitôt.
Le type est à deux doigts de me demander de parler de mes livres, je suis sûr. Et s'il y a bien une chance que je fais encore plus mal que de tenir mes plannings d'écriture, c'est parler de mes livres. La dernière fois que ça m'est arrivé, je discutais avec un de mes cousins. Et si je devais résumer notre conversation, ça tiendrait en deux phrases : « Oh, Stan, j'ai appris que tu écrivais des livres, c'est cool ! Tu écris à propos de quoi ? » « Oh, euh, abafreux... il fait beau, non ? Enfin, il pleuvine, mais ça va !".
Stan : 0
Promotion : -8000.— Parce que si t'écris ton truc, tu peux carrément le mettre en fanfiction vu que personne y croira. « JeonhoxReader ». J'ai encore jamais lu de fanfiction sur Jeonho !
— D'une, j'écris pas de fanfiction, et de deux, je vois pas pourquoi je devrais en écrire une sur ton pote ? Et puis, j'écris ni en anglais ni en Coréen.
— Au risque de te surprendre, je lis couramment le français. Je le parle aussi couramment, t'as remarqué ?
Je me tape le front du plat de la main. Grommelle que je suis fatigué.
Après, j'suis plus à une stupidité près, le mec a bien compris que j'étais pas le lardon le plus frit d'la poêle.
— J'ai même compris tout ce que la sale gamine a dit tout à l'heure et j'ai pu tout répéter à Jeonho et Seongwa !
— Hey, mais d'ailleurs... pourquoi tu parlais anglais dans la rue ?
— Des gens filmaient et c'est quelque chose que je veux garder privé. Comme toi et ton nom d'auteur, apparemment.
Il fronce le nez, renifle avec un air faussement méprisant avant d'esquisser un sourire en coin :
— Tu sais, si tu donnes jamais les informations sur toi aux gens qui sont intéressés, t'auras jamais de succès.
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Famous 𝓘𝓭𝓸𝓵, Secret 𝓵𝓸𝓿𝒆
RomanceStan a tout pour être malheureux, vraiment tout ! Une rupture récente, une vie professionnelle catastrophique, un père dépassé et une demi-sœur détestable. Oui, vraiment, Stan a tout pour être malheureux, mais à force d'additionner du négatif, il ne...