Chapitre 20

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Jeonho

De toute ma vie, je n'ai jamais été jaloux. Ni quand mon petit frère est né et qu'il a accaparé l'attention de mes parents, oncles et tantes. Ni quand il a brillé dans des compétitions alors que je m'entraînais à danser, en vain. Non plus quand mon meilleur ami du collège a été pris dans une agence et pas moi. Ni quand, après avoir été recruté par Yoomang Entertainment, j'ai vu des dizaines de trainees débuter sans moi. Ni quand nous avons enchaîné les music Show sans jamais gagner ni même être dans les trois premiers.

Non, je ne suis pas quelqu'un de jaloux... alors pourquoi tout mon être brûle-t-il d'entendre Minjin et Stan discuter en français ? Pourquoi cette rage déçue d'être « à l'écart » ? Pourquoi cette douleur dans la poitrine de voir disparaître mon actuel meilleur ami dans cette salle de bains avec l'homme qui me plaît ?

Stan apprécie Minjin, ça saute aux yeux. Quand ils se parlent, ses yeux brillent d'une lueur tendre et amusée malgré le masque ronchon qu'il garde en permanence. Minjin aussi l'apprécie, sinon il ne se serait pas précipité auprès de lui quand cette horrible adolescente a renversé son assiette comme ça. Et j'ai beau savoir que dans le cas de Minjin, l'intérêt n'a rien de plus qu'une dimension amicale, je ne suis pas naïf au point d'ignorer que les sentiments peuvent évoluer. 

Minjin, mon meilleur ami depuis que j'ai rejoint l'agence, avec Stan, le premier homme dont je tombe vraiment amoureux ? J'en ai des frissons rien qu'à l'imaginer. 

Je m'adosse au mur, boudeur et inquiet. Depuis combien de temps sont-ils ensemble là-dedans, tous les deux ?

Beaucoup trop longtemps.

Je déteste sentir la jalousie me grignoter le ventre. Je ne veux pas être comme ça. Ni pour un quasi-inconnu ni pour une relation. Jamais. La jalousie, c'est toxique. Sauf que le savoir ne la fait pas disparaître pour autant.

Je ferme les yeux ; son image s'imprime sur ma rétine. Son sourire fatigué. Ses expressions ennuyées. Ses mimiques bougonnes. Et j'aime ce que j'ai entendu de sa bouche ! Cette capacité qu'il a d'envoyer paître les deux gamines lorsqu'elles dérapent ! En tant qu'idol, je ne peux que sourire, même face à la haine. Mais lui... lui, il dit tout haut ce que je pense tout bas. Il les remet à leur place sans hésitation, ce que je rêve de faire sans jamais l'oser de peur de perdre mon travail.

En seulement une journée, je suis tombé irrémédiablement amoureux de lui. Alors que je ne le connais pas. Alors qu'il n'est pas Coréen. Alors que toute relation avec lui est impossible de par l'endroit où il habite, mon travail et le fait que la Corée du Sud n'accepte pas encore les couples de même genre.

Mon manager m'a mis en garde. Il m'a conseillé de l'oublier, et je sais qu'il a raison, mais c'est plus fort que moi. Je me sens comme un papillon de nuit attiré par la lumière. C'est drôle parce que dans les faits, c'est plutôt moi la lumière et lui le papillon de nuit. Et lui ne me voit pas. 

A-t-on déjà vu la lumière être attirée par un papillon de nuit aveugle ? 

Le cliquetis de la porte me fait sursauter. Je bondis en avant, en alerte, me retrouve face à un Minjin hilare.

— Détends-toi Jeonhoya, il va bien, ton Stan. Il est juste assaisonné ! Je lui aurais bien prêté mon pull, mais...

— Je lui prête le mien, le coupé-je avec véhémence. Déjà que vous complotez tout le temps dans sa langue, là...

Minjin esquisse un sourire narquois, puis me tapote l'épaule. 

— Relax. D'une, il me plaît pas et de deux, je lui plais pas non plus. C'est pour toi qu'il craque le français.

Je donne un coup de poing mollasson dans son épaule.

— Arrête de dire n'importe quoi.

— Tu me crois pas ?

— Absolument pas.

— Entre et observe sa réaction, tu verras ! Je lui ai dit que j'allais te chercher de toute façon ! 

Il m'ébouriffe les cheveux avant de s'éloigner en sifflotant, les mains dans les poches. Je me mordille la lèvre. Entrer ? Puis-je vraiment entrer dans cette salle de bains ? Puis-je vraiment aller le voir ?

Avec une timidité que je n'ai pas l'habitude de ressentir, je toque à la porte. Une fois. Deux fois. À la troisième, Stan ronchonne quelque chose que je ne comprends pas. Veut-il que j'entre ? Que je parte ?

— Stan, I... I don't understand french ! (Stan, je... je ne comprends pas le français !)

Un soupir exaspéré. Des pas. Puis la porte s'ouvre à demi sur cet homme beau à en mourir. Il lève sur moi un regard ennuyé, mais je ne vois que sa peau humide. Les gouttes qui glissent dans son cou. Ses cheveux mouillés ondulants. Ses lèvres brillantes...

— J'ai tellement envie de t'embrasser...

Mes joues cuisent à mes propres mots. 

Hein 

Je souris malgré moi. Ce que j'aime ses petits « hein » ! Je pourrais le taquiner à longueur de temps pour les entendre !

Il bat des paupières. Je me racle la gorge et baisse les yeux pour ne plus penser à cette bouche bien trop tentante et le reste de poulet sur son épaule. Puis ses habits trempés. Avec délicatesse, j'avance la main vers lui. Il frémit. Je suspends mon geste.

— You have... chicken. (Tu as... du poulet)

Hein ?

Encore un ! Je suis décidément verni !

Il s'ébroue, tourne la tête vers son épaule et en retire le poulet en me parsemant de gouttelettes au passage. Baragouine quelques mots en français. Recule d'un pas, la main sur le bord de la porte comme s'il allait la refermer.

Non !

— If you... commence-t-il. (si tu)

— Do you need... bafouillé-je en même temps. (As-tu besoin)

Il se mord les lèvres et secoue la tête en soupirant. 

Stan... que ne donnerais-je pas pour savoir à quoi tu penses en ce moment !

— Stan, do you need some help ? (Stan, tu as besoin d'aide ?)

— For What ? Taking off my hoodie ? maugréé-t-il.

Taking off ? Enlever ? Son hoodie ? Une étrange sensation me balaie. Comme des picotements qui hérisseraient chaque poil de mon corps par vague de plus en plus puissante. Je sais que la question est rhétorique, j'en suis même persuadé et pourtant, j'avance d'un pas pour réduire la distance entre nous. Pour attraper le bas ruisselant de son pull. Parce que je ne sais pas ce que je regretterai le plus demain : avoir tenté un rapprochement, ou avoir laissé filer le seul qui ait jamais fait battre mon cœur. 

Il déglutit, entrouvre la bouche. Ne pas fondre dessus me demande un effort surhumain. Je crois que Minjin avait raison. Je lui plais. 

— Only your hoodie ? le taquiné-je d'une voix rauque. (seulement ton hoodie)

Famous 𝓘𝓭𝓸𝓵, Secret 𝓵𝓸𝓿𝒆Où les histoires vivent. Découvrez maintenant