Chapitre 46

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À deux doigts de cracher mes poumons, je m'arrête et m'accroche à la rambarde de bois. "Une randonnée facile" "À la portée d'un enfant de cinq ans"... mes fesses, oui ! Qu'est-ce qu'il leur a pris d'organiser toutes ces excursions ? Qui forcent à marcher ? Pire, à grimper ? Ha oui, je sais : Flavie adore la randonnée. Flavie était censée être là, à ma place. Flavie qui s'est lâchement désistée pour aller travailler.

Heureusement que j'ai rencontré Jeonho pour adoucir ma grognonnerie, sans ça, je crois bien que nos hôtes feraient face au plus désagréable des invités. Pire que la vipère.

Les escaliers ne sont peut-être pas "compliqués" à gravir, mais ils sont longs. Très longs. Interminables. À chaque palier atteint, un autre se dessine plus haut. Magalie, Thierry et Kloé ne nous ont pas attendus. Très vite, ils nous ont proposé de nous retrouver en haut pour admirer la vue sur le cratère tous ensemble. 

Parce que c'est le flanc d'un volcan endormi depuis presque cinq mille ans que nous gravissons. En réalité, l'île de Jeju tout entière est un ensemble de volcans qui gravitent autour d'un autre gros volcan qui se trouve être la montagne la plus haute de Corée du Sud.

Je l'ai appris tout à l'heure, dans le bus. S'ils me l'avaient dit plus tôt, jamais je n'aurais mis les pieds ici. D'ailleurs, une bonne partie de mon essoufflement est dû à l'angoisse qui a décidé de squatter mon estomac. Je la sens à chaque instant. Elle me tiraille. Elle m'empêche de me détendre. De respirer correctement pendant l'effort.  

Depuis aussi loin que je me souvienne, les volcans et le feu me paniquent. Enfant, je rêvais souvent que le Mont proche de la ville explosait et vomissait sur nous des torrents de lave. Je n'en dormais plus, certaines nuits. Avec le temps, le rationnel l'a emporté : la seule région de France qui pourrait encore avoir une activité volcanique, c'est l'Auvergne. Une région où je n'irais jamais habiter même si ma vie en dépendait.

— Si j'avais su, franchement, je serais resté à Séoul, en plus ça aurait résolu mon problème. 

— Un problème ? J'vois pas quel problème tu peux avoir, toi ! T'as pas de taff, t'as plus de mec et t'as rien à payer, là ! Moi, j'en ai des problèmes ! Tu veux savoir ?

Ahanante, Kamilla se porte à mon niveau. Son rouge à lèvres a bavé. Son mascara a coulé. Sa queue de cheval d'ordinaire étudiée pour être parfaite ressemble à mes cheveux. À une botte de foin, quoi.

— T'es pas censé faire de la rando une fois par mois avec ta mère, toi ?

Elle plisse la bouche, horrifiée et hautaine. Elle ressemble plus à un crapaud qu'à une vipère comme ça.

— Ça va pas ? C'est Louis qui va avec Maman, il est aussi maso qu'elle, moi, je reste avec Papa et Lana-Rose et c'est lui qui porte le sac avec les gourdes, hein ! Dis... tu veux pas porter mon sac pour moi ?

— Bah non.

— Steuplaîîîît !

— Nope.

Une moue chiffonne son visage. Elle bat des paupières. Si elle essaie de m'attendrir, c'est raté : j'ai juste envie de trouver une mare pour la balancer dedans et ne plus voir son nez dégoulinant. 

— Mon frère d'amour, minaude-t-elle. Au nom de tout l'amour fraternel qui nous unit...

— Le quoi ?

— L'amour fraternel...

— Comprends pas.

— Bah tu m'aimes, quoi...

Je contiens un rire étranglé. De tous les arguments que la gamine aurait pu trouver, celui-là est bien le pire.

— Moi ? Nope, mais tu sais qui t'aime ? Kloé.

Famous 𝓘𝓭𝓸𝓵, Secret 𝓵𝓸𝓿𝒆Où les histoires vivent. Découvrez maintenant