Stan
— I need to take off my pants, too.
J'entends ma voix. Je la sens rouler dans ma gorge. J'en perçois le sens et pourtant, je suis aussi étonné que si un étranger avait jeté ces mots à ma place.
J'ai aussi besoin d'enlever mon pantalon ? Vraiment, Stan ?
Quand j'ai parlé de me déshabiller tout à l'heure, c'était pas pure provocation, pour le déstabiliser autant qu'il me déstabilisait. Pour le faire détaler. Parce qu'il est tellement beau que c'en est incongru qu'il se tienne là, devant moi, à me dévorer du regard comme si j'étais la huitième merveille du monde. Si l'un de nous deux devait l'être, ce serait lui, pas moi.
Je m'attendais tout naturellement à ce qu'il tourne les talons. Au lieu de ça, il a saisi le bas de mon hoodie. Est-ce qu'il flirte avec moi ? J'aimerais, mais je n'en suis pas certain. Je n'ai rien pour moi. Ni la richesse, ni le look, ni le corps, ni l'intelligence. Je suis ce qu'on peut qualifier de banal, et pas un banal comme les héroïnes de livres des plateformes en ligne, celles qui ont des yeux violets, des cheveux sublimes et des « formes là où il faut ». Non, moi je suis vraiment banal. Des yeux marron qui n'ont rien d'exceptionnel, des cheveux blonds rêches parce que j'oublie toujours de racheter du soin et une peau pas assez hydratée.
Pourquoi se comporte-t-il comme ça avec moi ? Sans doute parce qu'il en a la possibilité. Pourquoi je le laisse faire ? Sans doute parce que j'en ai la possibilité.
Et nos deux possibilités qui s'additionnent forment une nouvelle réalité. Notre nouvelle réalité. Même si elle ne dure que quelques secondes ou quelques minutes. Si nous étions dans un de mes romans, une passion aussi forte qu'éphémère nous lierait. Je l'attirerais à moi en reculant jusqu'à la douche. Il ôterait mon pull avant de me plaquer contre le mur. Ses mains caresseraient mon torse. Descendraient jusqu'à ma ceinture pendant que je caresserais sa nuque avant de me hisser sur la pointe des pieds pour un baiser passionné.
Mais voilà, nous ne sommes pas dans un de mes romans. Notre réalité n'a rien de romantique. Je suis là, frissonnant de froid malgré mes joues qui cuisent, parfumé au jjimdak. Il est là, les oreilles écarlates et les doigts crispés sur mon hoodie qui infuse le sien. Nous déglutissons à tour de rôle sans qu'aucun de nous n'ose vraiment franchir un pas que nous savons risqué.
Ses raisons diffèrent sans doute des miennes, mais elles n'en restent pas moins des barrières aussi difficiles à franchir que les miennes.
Moi, je ne veux pas tomber amoureux d'une célébrité. Je ne veux pas tomber amoureux de quelqu'un à l'autre bout du monde, je ne veux pas tomber amoureux à sens unique et je ne veux pas tomber amoureux tout court, pas si rapidement après l'échec de ma relation avec Rémi.
Un crush, c'est déjà trop.
Sauf qu'au lieu de le repousser comme la raison le commande, mes mains se posent sur les siennes. Il sursaute, avale sa salive bruyamment. Je lis mes doigts aux siens et, sans réfléchir, j'imprime un mouvement vers le haut pour me dévêtir. Mon T-shirt vient avec et m'expose à la vue acérée de mon vis à vis.
Je le regrette sitôt que son regard glisse sur moi. Les yeux de John-oh s'écarquillent, puis se ferment. Il esquisse une drôle de moue. Puis il dégage ses mains et recule avant vivacité avant de refermer la porte d'un geste brusque.
Je reste planté là comme un con. J'ai froid. J'ai honte. Je me sens stupide. J'ai envie de pleurer.
Pourtant, je savais à quoi m'attendre. Lui est sculpté comme un dieu grec, moi, j'ai des kilos en trop. Rémi me l'a assez répété « Stan, on fera rien tant que t'auras rien perdu !». Pourquoi ai-je cru que ce sublime chanteur coréen serait différent ?
Au fond... ai-je vraiment cru qu'il le serait, ou bien me suis-je juste autosabordé ? Oui. Ça doit être ça. C'était le meilleur moyen de tuer mon crush dans l'œuf.
Comme un automate, j'achève de me déshabiller. Puis j'allume la douche.
Quelle ironie... je n'ai pas pleuré pour Rémi, et voilà que je me retrouve à sangloter pour une star avec qui je n'ai jamais eu la moindre chance et dont je n'avais pas conscience il y a deux heures.
J'inspire profondément. Me savonne. Tente de rationaliser.
C'est probablement dû à la fatigue. Ou au fait que mes nerfs lâchent à cause de ce fichu voyage. Dire qu'il y aura encore Kamilla à subir après ça... non, décidément, ça fait trop. c'est juste ça. Ma patience est vide depuis longtemps et tout se met à déborder de partout. Du coup, elle est pleine. Du coup, ce n'est pas ma patience.
Même mes pensées sont en vrac !
Et puis soudain, un grincement de porte. Puis un courant d'air sur ma peau mouillée. Le battant qui se ferme. Des pas. Puis plus rien.
Est-ce lui ? Je n'ose me retourner de peur de me tromper.
— John-oh, murmuré-je, if it's you, just... come now. If it's not you, get lost. (John-oh, si c'est toi... juste... viens maintenant. Et si c'est pas toi, dégage)
Un bruissement de tissu. Un autre pas, puis un torse nu se colle à mon dos. Des bras m'enlacent. Un menton se pose sur une de mes épaules.
— I didn't run away... (je ne me suis pas enfui)
Ha, cette voix ! Chaude... vibrante... tendre... Elle chante jusque dans mes veines. Jusque dans mon cœur ! Est-ce que je peux croire à cette réalité, finalement ? Même si elle s'achève ce soir. Même si elle s'achève sitôt que je sortirai de cette pièce.
Je me contorsionne pour me retourner. Il est là. C'est vraiment lui. Ses cheveux roses gouttent sur mon visage. Le sien arbore une expression incertaine...
— May I... kiss you ? (Je peux t'embrasser ?)
Ses bras se referment un peu plus sur moi. Il m'attire à lui, dans l'attente de ma réponse.
C'est pas une bonne idée, Stan, c'est vraiment pas une bonne idée !
Mais je m'en fous.
À cet instant, il n'y a plus que John-oh qui compte. Lui et sa bouche rosée légèrement entrouverte. Lui et son regard rivé au mien. Lui et son torse musclé contre ma peau nue. Lui et ses mains qui descendent dans mon dos sans oser s'égarer sur mes fesses.
Lui et moi.
Nos lèvres se rejoignent en une caresse douce et sensuelle. Elles se découvrent. Elles se courtisent et se cajolent. John-oh reste sage plus longtemps que moi. Mes doigts courent sur lui. Sur ses bras magnifiquement dessinés. Sur son ventre plat. Sur sa ceinture.
Quand je commence à la déboucler, son flegme vole en éclat et il me pousse contre le mur. Nos hanches s'épousent avant qu'il ne recule pour plonger une main dans la poche de son pantalon trempé.
Il garde la paume fermée, hésitant. Je la lui fais ouvrir d'une pression tendre.
Un préservatif.
John-oh rougit jusqu'aux oreilles. Ses dents maltraitent sa lèvre. Je me fige. Est-ce que je veux aller jusque là ? Jusqu'à cette étape que je n'ai jamais franchie avec mon ex ? Que je n'ai vécu que quelques fois et envisager à peine plus ?
Stan, t'en crèves d'envie.
— Sorry, that was way too presumptuous of me, balbutie John-oh, contrit. (Désole, c'était beaucoup trop présomptueux de ma part)
Il amorce un geste de recul que j'interromps en saisissant le préservatif.
— No, it wasn't. (Non, ça ne l'était pas)
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Famous 𝓘𝓭𝓸𝓵, Secret 𝓵𝓸𝓿𝒆
RomanceStan a tout pour être malheureux, vraiment tout ! Une rupture récente, une vie professionnelle catastrophique, un père dépassé et une demi-sœur détestable. Oui, vraiment, Stan a tout pour être malheureux, mais à force d'additionner du négatif, il ne...