chapitre 5✓

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Les nuits passèrent et les larmes me tenaillaient, roulant silencieusement sur mon oreiller tandis que le sommeil m’échappait. Les événements des jours passés tournaient en boucle dans mon esprit, m’empêchant de trouver la paix. Pourquoi avais-je raconté à Junior ce que j'avais entendu? Pourquoi avais-je laissé ma colère prendre le dessus, me privant de la seule personne qui avait réussi à faire battre mon cœur autrement?

Chaque jour, je me sentais de plus en plus prisonnière de ma chambre, incapable de sortir, comme si le monde extérieur avait perdu tout son sens sans lui. L'idée même de le croiser avec Claire me terrifiait, et cette douleur invisible devenait insupportable. J'avais besoin de respirer, de m'échapper, ne serait-ce qu'un moment.

L’air frais des hauteurs avait toujours eu un effet apaisant sur moi, et j’espérais y trouver un peu de réconfort. Mais alors que je gravissais un sentier escarpé, mon pied glissa sur une pierre humide. Je perdis l’équilibre et dégringolai sur quelques mètres avant de m'arrêter, le genou écorché et la cheville douloureuse.

Je m’assis un moment, essayant de reprendre mon souffle et d’évaluer mes blessures. La douleur était vive, mais supportable. Cependant, l'idée de devoir redescendre toute seule me paraissait soudainement bien plus difficile. Je tentai de me relever, mais la douleur dans ma cheville me fit grimacer, et je m'appuyai contre un rocher, impuissante.
C’est alors que j’entendis des pas approcher. Mon cœur bondit dans ma poitrine lorsque je levai les yeux et aperçus Junior, seul, marchant sur le même sentier. Il portait un sac à dos, ses vêtements de randonnée trempés de sueur, et ses yeux s’élargirent en me voyant là, assise et blessée.

- Kemishe! s’écria-t-il, visiblement surpris de me trouver ici. Qu’est-ce qui s’est passé?

- Ce n’est rien, répondis-je, la voix tendue. J'ai juste glissé, mais je vais bien.

Il s'accroupit près de moi, examinant rapidement ma cheville enflée avant que je puisse l'en empêcher.

- Ça n’a pas l’air d’aller du tout, insista-t-il. Laisse-moi t’aider.

- Non, je peux gérer ça toute seule, répliquai-je sèchement, repoussant sa main. Je n’ai pas besoin de ton aide.

Mais à ce moment précis, les nuages se rassemblèrent au-dessus de nous, et la pluie commença à tomber. D'abord légère, elle se transforma rapidement en une averse torrentielle, trempant nos vêtements en quelques instants. Le sentier devenait de plus en plus glissant, et l'idée de descendre seule dans ces conditions devenait impensable.

Junior se redressa, scrutant les environs.

- On ne peut pas rester ici sous cette pluie. Il y a une petite cabane abandonnée pas très loin. On devrait s’y abriter jusqu’à ce que ça se calme, dit-il d'un ton ferme, laissant peu de place à la discussion.

Je restai un moment silencieuse, pesant mes options, avant de finalement acquiescer, à contrecœur.

- Très bien, mais je peux marcher toute seule, insistai-je, refusant d’admettre ma faiblesse.

-Comme tu veux, répondit-il doucement, bien qu'il restât à mes côtés, prêt à intervenir si nécessaire.

Nous avançâmes lentement sous la pluie battante, Junior gardant toujours un œil sur moi. Lorsque nous atteignîmes la cabane, je fus soulagée de pouvoir enfin m’abriter. C’était une petite structure en bois, probablement un ancien refuge de montagne, mais elle offrait un toit, ce qui était tout ce dont nous avions besoin.

À l’intérieur, Junior alluma un petit feu avec des branches sèches qu’il avait trouvées à l’entrée. Tandis que la chaleur commençait à se répandre dans la pièce, je m’assis près du feu, serrant mes genoux contre ma poitrine, encore en proie à un mélange de colère et de douleur. Junior, de son côté, s'assit à une certaine distance, respectant mon espace, mais ne me quittant pas des yeux.

La pluie battait contre le toit de la cabane, créant une symphonie apaisante, mais le silence entre nous était lourd de tout ce qui restait non-dit. J’essayais de rester distante, de maintenir ce mur que j’avais construit entre nous. Mais alors que les heures passaient et que la tempête faisait rage à l'extérieur, je sentais ce mur commencer à se fissurer, laissant place à quelque chose que je n’étais pas prête à affronter.
Alors que la chaleur du feu enveloppait la petite cabane, le silence entre Junior et moi devenait de plus en plus insoutenable. Mes pensées tourbillonnaient, et finalement, je ne pus m'empêcher de briser le silence.

- Qu’est-ce que tu faisais dans la montagne, Junior? demandai-je, essayant de donner à ma voix un ton léger, presque indifférent. Claire ne t’a pas suivi?

J’ajoutai cette dernière remarque avec une pointe d’ironie, incapable de masquer totalement la jalousie qui se glissait dans mes mots. À ma grande surprise, Junior éclata de rire, un rire chaleureux, sincère, qui me désarma un peu.

- Non, Claire n'est pas là, répondit-il en secouant la tête, ses yeux pétillants malgré la tristesse que je pouvais deviner derrière. J’avais l’habitude de partir en randonnée avec mon père. Depuis sa mort, je fais ça presque chaque mois, seul. C’est ma façon de rester proche de lui, je suppose.

Le ton de sa voix était doux, empreint d'une mélancolie qui me toucha plus que je ne voulais l’admettre. Je restai un moment silencieuse, observant les flammes danser devant nous, avant de finalement répondre, plus calmement cette fois.

- Je… je cherchais des plantes pour ma mère. Elle aime cuisiner avec des herbes qu’on ne trouve que par ici, murmurai-je, commençant à me détendre en sa présence.

Mais avant que je puisse continuer, Junior se pencha vers moi, son regard intense accrochant le mien. Tout se passa en un instant, trop rapidement pour que je puisse réfléchir ou protester. Ses lèvres trouvèrent les miennes avec une douceur qui me prit au dépourvu, un geste à la fois tendre et audacieux.

Mon corps se raidit d’abord sous la surprise, et je sentis une vague d’émotion m'envahir. Ma première réaction fut de lever une main pour le repousser, mais… mon cœur, lui, disait autre chose. La chaleur de ses lèvres, la délicatesse avec laquelle il m'embrassait, éveillaient en moi des sentiments que je n’avais jamais explorés auparavant.

Les secondes s'étirèrent, et je me surpris à fermer les yeux, à m'abandonner à cette sensation nouvelle. La tension que j’avais ressentie toute cette journée sembla se dissoudre dans ce baiser. C’était comme si, en cet instant précis, rien d’autre n’importait – ni la douleur, ni la jalousie, ni même le passé. Juste lui et moi, unis dans un moment d’intimité inattendu, au cœur de la tempête.






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