L'aube des liens éternels

Chapitre 8✓

Le regard de Madame Witcher se durcit alors que ses mots glaciaux flottent encore dans l'air. Mon esprit peine à comprendre ce qui vient de se passer. Le monde s'écroule autour de moi, et une douleur sourde envahit mon cœur, me coupant presque la respiration.

- F... Fiancée? murmuré-je, à peine capable de former ce mot.

Junior se retourne vers moi , son visage tordu par la confusion et l'angoisse.

- Kemishe, je peux tout expliquer... Ce n'est pas ce que tu crois...

Son ton est désespéré, mais ses paroles se heurtent à un mur de douleur que je ne parviens plus à ignorer. Tout semble se briser en moi, toutes les émotions, tous les rêves que j'avais construits en pensant à lui, en imaginant un avenir qui, apparemment, n'existera jamais.

Madame Witcher s'avance, ses talons claquant contre le sol carrelé du restaurant. Ses yeux passent de Junior à moi, un mélange de pitié et de froideur inscrits sur son visage.

- Junior, nous devons y aller. Ta fiancée t'attend, répète-t-elle, ignorant ma présence, comme si je n'étais rien d'autre qu'une ombre dans ce moment où elle récupère ce qui lui appartient.

Je lutte pour contenir mes larmes, mais c'est impossible. Elles débordent, coulant librement sur mes joues. Je me sens trahie, non seulement par Junior, mais aussi par mes propres sentiments, par mon propre cœur qui m'a conduit ici, à cet instant de pure désolation.

Junior fait un pas vers moi, mais je recule instinctivement, levant une main pour l'arrêter. Mon corps tremble sous l'effet de l'émotion, de la douleur, du désespoir.

- Ne me touche pas, dis-je d'une voix brisée. Comment... Comment as-tu pu me laisser croire que...?

Les mots se coincent dans ma gorge, incapables de sortir. Il y a trop de choses que je veux dire, trop de questions qui restent sans réponse. Mais tout cela me semble soudain futile face à la réalité implacable qui s'abat sur moi.

Junior secoue la tête, désespéré, et je vois ses yeux briller d'émotion.

- Kemishe, ce n'est pas vrai! Ce n'est pas ce que tu crois, insiste-t-il, sa voix tremblant de la même douleur qui me ronge. Cette "fiancée" n'est qu'une décision de mes parents, un arrangement... rien de plus!

- Rien de plus? répliqué-je, ma voix se brisant sous l'émotion. Et moi, Junior? Et tout ce qu'on vient de vivre? C'était aussi rien de plus?

Je vois ses mains trembler alors qu'il essaie de s'approcher de moi une nouvelle fois, mais Madame Witcher pose une main sur son épaule, un geste léger mais autoritaire, et il se fige. Le regard qu'elle lui lance est sans équivoque.

- Kemishe, je ne veux pas te perdre, murmure-t-il, désespéré.

Mais ces mots, loin de me réconforter, ne font qu'ajouter à la douleur. Ils sonnent creux, comme un écho dans un vide que rien ne pourra jamais combler. Une part de moi veut y croire, veut s'accrocher à l'espoir que tout cela n'est qu'un malentendu, que les choses pourraient être différentes. Mais la réalité, la froideur dans la voix de Madame Witcher, et la situation même me ramènent durement sur terre.

Je secoue la tête, incapable de trouver la force de répondre. Le sol semble se dérober sous mes pieds, et je n'ai plus d'énergie pour lutter. Le silence s'installe entre nous, lourd, insupportable.

- Il est temps, Junior, dit Madame Witcher, sa voix inflexible.

Le regard de Junior s'assombrit, mais il sait qu'il n'a pas le choix. Je vois la lutte interne dans ses yeux, mais je sais aussi que la décision n'est plus entre nos mains.

Il se tourne vers moi une dernière fois, son expression empreinte de désespoir.

- Je suis désolé, Kemishe, murmure-t-il, sa voix à peine audible.

Puis, sans un mot de plus, il suit sa mère, me laissant là, seule, avec cette douleur atroce qui dévore mon cœur. Je reste figée, incapable de bouger, de penser, de faire quoi que ce soit. Les larmes continuent de couler, et je ne fais rien pour les arrêter.

Quand la porte du restaurant se ferme derrière eux, le monde semble devenir silencieux, comme si même les murs comprenaient la gravité de ce qui venait de se passer. Je suis seule, perdue dans cet océan de chagrin, avec la seule certitude que rien ne sera jamais plus pareil. Mon cœur, qui battait si fort pour lui, n'est maintenant plus qu'un amas de fragments éparpillés, et tout espoir semble s'être envolé avec lui, me laissant seule face à une réalité que je ne suis pas prête à affronter.