Chapitre 19

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NATHANAËL

J'ai tenté par tous les moyens de prendre mes distances avec elle, mais c'est plus fort que moi. C'est tout simplement impossible. Elle est partout. Au travail, dans ma tête, du matin au soir, sans relâche. Elle accapare ma conscience. Une obsession, voilà ce qu'elle est devenue.

Je croyais que ce petit jeu du chat et de la souris me lasserait, mais c'est tout le contraire qui se produit. J'en veux plus, toujours plus. J'ai besoin de plus.

Elle m'intrigue chaque jour davantage que le précédent.

Je me suis donc autorisé à devenir son « ami », comme avec Alex. La plupart du temps, il me désespère, mais il est devenu mon ami malgré tout. La même chose peut se produire avec Éloïse, non ?

Amitié certes bancale, étant donné la hargne avec laquelle nous nous assurons de rendre dingue l'autre. Mais amitié tout de même.

Je suis satisfait d'avoir enfin mis un mot sur ce que je ressentais. De l'amitié, c'est ça, c'est un sentiment nouveau pour moi qui n'ai jamais eu le privilège d'en avoir.

Enfin bref, pas de quoi en faire des caisses, c'est juste un terme que l'on donne quand deux personnes se retrouvent souvent ensemble. Exactement notre cas. Elle fait partie du cercle d'Emma, qui fait partie du cercle d'Alex, qui fait partie de mon cercle. Il n'y a pas plus simple que ça. C'était donc inévitable ?

Je monte les marches sans être pressé le moins du monde, il n'y a rien à signaler dans la boîte aux lettres aujourd'hui. Ce devait être une querelle entre voisins qui m'a été adressée par erreur.

Je tourne la clef dans la serrure, quand la porte d'à côté s'ouvre à la hâte.

Ma petite voisine apparaît sur le palier, encore vêtue d'un peignoir et des rouleaux partout sur la tête. Son visage blême ne me dit rien qui vaille.

— Bonjour, Édith, quelque chose ne va pas ?

Elle semble chercher ses mots, ce qui ne lui ressemble pas puis s'avance vers moi et me fait signe de descendre à sa hauteur.

— Il s'est passé quelque chose d'étrange hier soir, me chuchote-t-elle à l'oreille.

— Il se passe beaucoup de choses étranges ici, lui répondé-je en lui pressant un peu l'épaule dans un geste rassurant.

— Non, pas comme d'habitude. C'était différent c'te fois.

Elle regarde partout comme si quelqu'un nous espionnait. Son comportement est alarmant.

— Qu'avez-vous vu Édith ? l'interrogé-je désormais on ne peut plus sérieux.

Elle se rapproche de nouveau au plus près de moi et se met à murmurer :

— Écoute mon grand, hier soir, il était minuit passé quand j'ai entendu du bruit. J'me suis levée et j'ai collé mon œil au judas. J'étais persuadée que c'était toi qui rentrais d'une soirée un peu trop arrosée, mais non.

J'écoute ses dires en imaginant la scène se dérouler.

— Je n'ai pas vu son visage, mais j'suis presque sûre que c'était un homme. Il portait des vêtements sombres, et il avait une capuche. Je l'ai espionné, m'avoue-t-elle honteuse. Il tournait en rond sur le palier, puis il a essayé d'ouvrir ta porte. Bien évidemment, elle était fermée, mais il a trifouillé je ne sais quoi pendant quelques minutes. Heureusement, il n'a pas réussi à entrer.

J'avale la bile qui stagne dans ma gorge, cette histoire est vraiment déroutante. Je n'ai pourtant eu de conflits avec personne ici. Cette lettre, et ensuite ça.

J'ai un mauvais pressentiment.

— Est-ce que vous avez vu autre chose ? Un détail en particulier sur cet homme ?

Édith se met à réfléchir, son front est plissé tant elle se concentre.

— Non... navrée, j'me souviens de rien d'autre. Tu sais, je n'avais pas mes lorgnons.

J'entame une réflexion intérieure. Qui pourrait bien m'en vouloir au point de rentrer chez moi ? Ce quelqu'un savait-il que j'étais absent ?

— Merci beaucoup Édith. Si jamais à l'avenir une chose suspecte se produit à nouveau, venez me trouver.

Elle hoche la tête en signe d'approbation et me presse la main. C'est une première, la petite dame n'est pas si chaleureuse en temps normal.

— Fais attention à toi, mon garçon, me dit-elle en rebroussant chemin.

J'attends qu'elle rentre chez elle et inspecte le palier à la recherche du moindre indice. En vain. Il n'y a rien de suspect ou d'inhabituel.

Je vais installer un verrou supplémentaire à l'intérieur, en prévention. Il est hors de question qu'un inconnu pénètre entre ces murs. Je fais le tour de l'appartement au cas où quelque chose aurait bougé, mais comme je m'en doutais il n'y a rien à déclarer.

Il faut que je trouve ce petit emmerdeur.

Mais comment ?


****


J'ai réfléchi sans discontinuer sur la façon de coincer cette enflure.

Premièrement, cet individu connaît mon adresse. J'ai donc dressé une liste des personnes susceptibles de la connaître. Liste qui s'avère très courte étant donné ma sociabilité déroutante.

D'autant plus que la plupart des personnes qui y figurent étaient avec moi lors de la soirée, ils n'ont donc pas pu faire le coup.

Deuxièmement, il y a de grandes chances que cet être savait que j'étais absent ce soir-là. Ça par contre, c'est étonnant. Personne n'est au courant à l'avance de mon planning.

La seule hypothèse lucide qui m'est apparue, c'est celle d'un client ou de quelqu'un du centre commercial. Avec notre boulot, il nous arrive de nous mettre certaines personnes à dos. Il est possible que cette personne ait surpris une conversation, qui l'a ensuite amené à prendre sa petite revanche. Pour cela, il faut que je m'assure qu'Alex n'ait filé aucune information me concernant à quiconque. Demain, je lui poserai la question de vive voix.

Troisièmement, je n'ai pas encore trouvé le sens de cette fameuse phrase. Si tant est qu'elle en ait une.

TU AS ÉCHOUÉ.

De quoi veut-elle parler ? Dans quelle intention m'a-t-elle été transmise ?

L'idée de contacter la police m'a effleuré l'esprit, mais je n'ai aucune preuve. Rien mis à part ces trois mots en lettres capitales. Le palier ne possède pas de caméra, donc il est impossible de prouver que quelqu'un a essayé de pénétrer chez moi durant mon absence. Il ne me reste donc plus que le témoignage d'Édith, mais je n'ai aucune envie de la mêler à tout ça.

La seule option que j'ai est d'installer en douce une microcaméra. En espérant que l'individu réapparaisse. Ce n'est pas très légal, mais ai-je vraiment le choix ?

Aux grands mots, les grands remèdes.

Nos cœurs fusillés ( SOUS CONTRAT D'ÉDITION CHEZ ELIXYRIA) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant