NATHANAËL
Ce matin, je n'ai pas vu Éloïse, c'est bizarre. Depuis que je suis ici, il n'y a pas un jour où je ne l'ai pas vue.
Encore plus étrange, j'ai comme un énorme poids sur la poitrine, je ne peux pas m'empêcher de m'interroger sur la raison de son absence. Depuis ce matin, je fixe l'accès principal, m'attendant chaque minute à la voir arriver. Comme tous les jours, elle passerait devant moi en me faisant la grimace ou en me lançant son sempiternel doigt d'honneur. Du coup, je n'arrive pas à me concentrer sur mon boulot. Trop de questions se bousculent dans ma tête.
Est-ce qu'elle va bien ? Y a-t-il eu un problème ?
N'en pouvant plus d'attendre, je demande même à Alex de lui envoyer un petit message. Juste pour savoir, au cas où.
— Fais-le toi-même, me balance-t-il. Je viens de t'envoyer son numéro.
Quel soutien ! En plus, je suis persuadé qu'il sait quelque chose. Avec Emma, rien ne peut lui échapper.
— Quoi ? Non, c'était juste pour savoir si tu savais quelque chose, me renfrogné-je.
— Mouais, me répond-il en tirant sur le dessous de son œil.
Je continue ma ronde tout en étant en proie au dilemme. Dois-je le faire, oui ou non ? Après tout, on est ami désormais et il n'y a rien de mal à prendre de ses nouvelles. Je finis par craquer, sors mon téléphone et lui envoie un bref message.
NATHANAEL : Tout va bien ?
J'attends quelques secondes, puis une réponse me parvient.
ELOISE : C'est qui ?
Pfff... idiot. Forcément qu'elle ne sait pas qui tu es, puisqu'elle n'a pas ton numéro ! J'espère qu'elle n'y verra pas d'inconvénient d'ailleurs.
NATHANAEL : Le crocodile
Elle a répondu, c'est déjà ça. C'est rassurant. Je me sens déjà plus léger, plus apaisé. Mes muscles relâchent la pression.
ELOISE : Haha ! Si tu veux savoir si je suis toujours en vie, la réponse est oui. Malheureusement pour toi.
Sa réponse m'arrache un sourire, le petit démon est de retour. Et en grande forme.
NATHANAEL : ça, je le sais depuis ta première réponse.
Voyant que l'échange est terminé, je range mon téléphone dans ma poche et me concentre sur mon travail. Pour de vrai cette fois.
*
Quand on parle du loup... Elle débarque à peine un quart d'heure plus tard, le visage rouge et le souffle court. Elle a l'air d'avoir parcouru la galerie en un temps record, ses cheveux dégoulinant derrière elle. Arrivée à ma hauteur, elle me gratifie d'un simple salut de la main en continuant sa course folle.Pas de geste obscène pour aujourd'hui ? Je suis déçu.
Alex et moi la regardons courir en se marrant. Sourire qui disparaît bien assez vite quand je me rends compte de ce qu'elle porte. Je ne lui connais pas cette veste... beaucoup trop grande pour elle, trop masculine aussi.
Alex suit mon regard et comprend rapidement le fond de ma pensée.
— J'en connais une qui a dû avoir un réveil mouvementé, me glisse-t-il à l'oreille en s'esclaffant.
Pourquoi porte-t-elle une veste d'homme ? Je suis pourtant certain qu'elle est célibataire. Du moins, ce n'est pas le genre de fille à coucher avec le premier venu. Elle nous l'aurait dit, non ?
— Houla mon pote, desserre la mâchoire, tu vas déchausser tes molaires si tu continues.
Je tente de ne rien laisser paraître sur mon faciès et passe la main dans ma courte barbe.
— On a du boulot, coupé-je court à la conversation. Je reste ici, tu n'as qu'à aller au premier.
Je me mets en quête du moindre problème. Il faut que mon esprit se concentre sur autre chose. Je n'aime pas du tout l'état qui me consume actuellement. Après tout, elle fait ce qu'elle veut, ça ne me regarde pas.
— Ça marche, on se rejoint à la pause ? me demande Alex, l'air perplexe.
J'opine du chef et commence la chasse.
*
La matinée n'était pas si terrible finalement. Une petite rixe a éclaté en plein milieu du centre. Alex et moi avons dû nous mêler au groupe afin de les séparer. Il se pourrait que des claques se soient perdues au passage. Oups.
Mon collègue n'en est malheureusement pas sorti indemne. Le pauvre s'est fait attaquer par-derrière, un type lui a mordu l'oreille. Depuis, il maintient une compresse dessus en insultant la terre entière. C'est bien la première fois qu'il ouvre la bouche pour sortir autre chose que ses conneries habituelles. Après tout, c'est de sa faute, il a refusé de voir un médecin.
Enfin, tout est bien qui finit bien. Le petit crochet que j'ai envoyé à l'attaquant en retour l'a calmé. Les flics sont arrivés assez vite et ont embarqué tout ce beau petit monde. Mission accomplie.
Alex se fabrique un pansement de fortune avec un bout d'essuie-tout et du scotch de bureau. C'est juste immonde, on dirait qu'il sort tout droit d'un combat de MMA. D'où il sort perdant.
— J'espère pour toi que le mec n'avait pas la rage, le fais-je enrager en enfilant ma veste.
— Fous-toi de ma gueule, vas-y, peste-t-il en claquant la porte du bureau derrière nous.
Ce midi, on se rejoint dans la salle de pause des filles. Alex a fait copain-copain avec Sam qui nous autorise désormais à prendre notre pause chez eux. Nous traversons donc la galerie, tupperwares en main, presser de s'accorder un instant de répit pendant cette heure creuse.
Aucune trace d'elles dans le magasin, elles doivent déjà être aux micro-ondes.
On se rapproche de la salle, quand une discussion nous parvient. Je peux parier que la grande gamelle que nous entendons à des kilomètres est celle d'Emma.
— C'est trop cool, il faut que tu le rappelles, tu pourrais même nous le présenter ! s'exclame la rouquine.
Il ? C'est quoi ce délire ?
— Qui est l'heureux élu ? questionne Alex en interrompant la conversation.
Éloïse se fige en nous apercevant tous les deux sur le pas de la porte. Nos yeux se croisent et elle détourne le regard en se pinçant les lèvres.
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Nos cœurs fusillés ( SOUS CONTRAT D'ÉDITION CHEZ ELIXYRIA)
RomanceTorturé et de nature solitaire, Nathanaël vit constamment avec le poids des remords du passé. Pourtant, lorsqu'une opportunité dresse sur son chemin la magnétique Éloïse, tout se complique. Son monde entier bascule. Sa simple présence remet en quest...