- SCÈNE 31 -

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(Dolores, Jacqueline, Romain, Kyra, Estelle, un élève)

   Lundi, 07:15.
   Dolores est convoquée par la Cheffe d'établissement pour parler de Sharon. Elle aurait aimé que Kyra vienne avec elle, mais celle-ci a refusé : elle a encore du mal avec tout ce qui est rendez-vous à l'administration.
   C'est donc seule que Dolores entre dans le bureau de Jacqueline.

JACQUELINE. – Ah, madame Reinhart, entrez, asseyez-vous.
DOLORES. – Bonjour. Vous vouliez me voir ?
JACQUELINE. – Oui, tout à fait. Vous êtes proche de madame Sherbakova, me semble-t-il ?
DOLORES. – Oui.
JACQUELINE. – Elle m'a téléphoné il y a quelque temps pour m'informer qu'elle prolongerait son arrêt de travail. Je lui ai trouvé un remplaçant... Soit dit entre nous, je ne sais pas ce qu'il vaut, mais enfin, vous connaissez la maison : déjà, on a quelqu'un, alors on ne fait pas les difficiles, on prend. C'est un vacataire. Il s'appelle Romain Templet.
DOLORES. – D'accord.
JACQUELINE, poursuivant aussitôt. – Mais là n'est pas l'objet de ce rendez-vous. Dites-moi... Qu'est-ce qu'il s'est passé ? J'ai bien entendu des bruits de couloirs, mais je me refuse à en faire ma seule source d'informations. Je veux du fiable, Dolores.
DOLORES. – Qu'est-ce qu'elle vous a dit ? Sharon, je veux dire...
JACQUELINE. – Qu'elle avait des soucis personnels assez graves.
DOLORES. – C'est le cas, en effet. Et les bruits de couloirs ?
JACQUELINE. – David Clark aurait tenté de la tuer.
DOLORES. – Ces bruits sont assez proches de la réalité...
JACQUELINE. – Je vois. Je voulais avoir confirmation afin de commencer la paperasse pour sa nouvelle mise à pied.

   Elle marque une pause le temps de prendre quelques notes.

JACQUELINE. – ... Une élève est impliquée ?
DOLORES. – Je dois obligatoirement répondre ?
JACQUELINE. – Pourquoi non ?
DOLORES. – Elle ne le voudrait pas.
JACQUELINE. – L'élève ?
DOLORES. – Oui.
JACQUELINE. – Ecoutez, vous n'êtes effectivement pas obligée de me répondre, mais sachez que plus vous pourrez m'en dire la concernant, plus l'élève concernée sera protégée.
DOLORES. – Kyra Blanc. Le nom de l'élève.
JACQUELINE. – Oh ?

   L'enseignante hausse un sourcil face à la réaction de sa supérieure.

JACQUELINE. – A mon arrivée ici, on m'a briefée à son propos...
DOLORES. - & donc ?
JACQUELINE. – Un cas difficile... Mais je suppose que vous le savez bien.
DOLORES. – Elle a beaucoup changé. Elle a sauvé la vie de Sharon, vous savez...
JACQUELINE. – Dites m'en plus, s'il vous plaît...
DOLORES. – Je ne vois pas ce que je pourrais dire de plus si ce n'est que Kyra a été là pour Sharon du début à la fin & que sans son implication dans cette histoire, sans son intervention, Sharon serait morte depuis longtemps...
JACQUELINE. – Je ne vous suis plus, là... Lors de la première mise à pied de monsieur Clark, cette jeune femme était déjà impliquée ?
DOLORES. – Oui. Lors du premier dépôt de plainte, lors de la remise en liberté de David, lors de l'hospitalisation de Sharon, lors de sa déposition pour le second dépôt de plainte... Bref, Kyra a toujours été là.
JACQUELINE. – De quoi David est-il accusé ?
DOLORES. – De violences conjugales, de viol, de tentative de meurtre avec préméditation.
JACQUELINE. – Seigneur...
DOLORES. – Comme vous dites...
JACQUELINE. – Il faut que je rencontre la jeune femme.
DOLORES. – Non, ce n'est pas la peine : elle ne viendra pas. Demandez-moi ce que vous voulez, je répondrai, mais ne la convoquez pas.
JACQUELINE. – Bien... Est-ce qu'elle est encore en contact avec madame Sherbakova ?
DOLORES. – Bien évidemment.
JACQUELINE. – Développez...
DOLORES. – Elle la loge...
JACQUELINE. – Ah oui, à ce point...
DOLORES. – Ecoutez, Jacqueline... En ce qui concerne la relation de Sharon avec Kyra, il y a beaucoup de choses qui ne regardent qu'elles. Leur lien est très particulier, j'en suis consciente, & elles aussi, mais soyez assurée d'une chose : c'est une relation saine. Elles ont peut-être brisé la barrière prof-élève, mais finalement, tout ce qu'elles ont fait, c'est se comporter en humaines l'une envers l'autre.
JACQUELINE. – Vous êtes sûre de ce que vous avancez ? Un transfert est si vite arrivé...
DOLORES. – J'en suis tellement sûre que je m'en porte garante. Je connais très bien Kyra. Mieux que personne ici, si ce n'est Sharon. Alors croyez-moi : il n'y a rien de malsain là-dedans.
JACQUELINE. – Bien. Je vous fais confiance. Je note donc que mademoiselle Blanc est au courant de toute l'histoire & qu'elle saura renseigner monsieur Templet en cas de besoin.
DOLORES. – Elle saura le faire, mais ce n'est pas dit qu'elle le fera. Ce qui est arrivé à Sharon ne regarde pas la Terre entière, & Kyra est très peu encline à parler de ça au premier venu. Si elle y est obligée, elle le fera, mais non sans mal.
JACQUELINE. – Vous savez quoi ? Ça me rassure d'entendre ce genre de propos. Cette Kyra m'a l'air très mûre...
DOLORES. – Elle l'est. Vous n'avez pas idée de ce qu'elle a traversé.

L'Etau de mon âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant