L'Etau de mon âme

- SCÈNE 32 -

(Estelle, Kyra, Romain, Dolores, Jacqueline)

   Après encore plusieurs minutes de blabla sans intérêt, Romain enchaîne avec des questions sur le cours de Sharon, auxquelles Clarisse s'empresse de répondre, notes sous les yeux.
   La fin du cours arrive finalement assez rapidement.
   Lorsque la sonnerie retentit, tous quittent la salle, exceptées Estelle & Kyra.

ESTELLE. – Je reste avec toi ?
KYRA. – S'il te plaît.
ROMAIN. – Kyra ? Approchez, je vous prie.

   Elle obéit, néanmoins hésitante.
   Au même moment, Dolores toque à la porte & n'attend pas la réponse pour entrer.

ROMAIN. – Vous avez cours dans cette salle ?
DOLORES. – Non, non.
ROMAIN. – Alors excusez-nous un instant : nous n'avons pas tout à fait terminé.
DOLORES. – Kyra ? Tu veux que je reste, ou je t'attends dehors ?
KYRA. – Reste.
ROMAIN. – Excusez-moi, mais...
DOLORES. – Faites comme si je n'étais pas là.
ROMAIN, levant les yeux au ciel. – Très bien.

   Il se tourne cette fois vers Estelle.

ROMAIN. – Mademoiselle, vous, en revanche, je vais vous demander de partir.
KYRA. – Elle reste.
ROMAIN. – La conversation que nous allons avoir ne la regarde pas.
KYRA. – Ça la regarde. Je sais ce que vous allez me demander, & elle, elle en sait plus que vous. Alors, elle reste.

   Contrarié, il soupire.
   La sentant pomper, Dolores passe discrètement ses doigts autour du bras de Kyra.

ROMAIN. – A ce qu'on m'a dit, vous êtes personnellement liée à madame Sherbakova. Quelle est la nature de ce lien ?
KYRA. – Ça ne vous regarde pas.
ROMAIN. – Je vois. Ecoutez, mademoiselle... L'administration m'a mis au courant de la situation, alors sentez-vous libre de me parler sans gêne.
KYRA. – Si l'administration vous a mis au courant de la situation, alors pourquoi voulez-vous me parler ?

   Dolores ne peut réprimer un discret rire nerveux.

ROMAIN. – Quelque chose vous amuse, madame ... ?
DOLORES. – Reinhart. Dolores Reinhart. Non, non... Continuez, ne faites pas attention à moi.
ROMAIN. – Kyra, l'enseignante ici présente m'a dit de se référer à vous ou à elle si j'avais besoin de renseignements quant à votre professeure de Philosophie.
KYRA, se tournant vers Dolores. – Tu te fous de moi ?! Tu lui as vraiment dit ça ?!
ROMAIN. – Mademoiselle Blanc ! Un peu de respect, enfin ! Ne parlez pas comme ça à une enseignante !

   Dolores garde le contact avec Kyra tout en la regardant dans les yeux.

DOLORES. – Kyra, non, j'ai pas dit ça. Je lui ai dit que s'il avait besoin de savoir quelque chose dans un but purement pédagogique, il pouvait se tourner vers nous. Ce n'est pas la même chose.
ROMAIN. – & vous ne la reprenez même pas sur son attitude ? Mais où est-ce que je suis tombé, moi ?...
ESTELLE. – Avec tout le respect que je vous dois, monsieur, elles peuvent bien se parler comme elles veulent puisqu'avant toute chose, elles se connaissent & sont amies. Ensuite, je ne me mêlerai pas de votre conversation, mais il me semble que votre curiosité est très mal placée.
KYRA. – Merci, Estelle.

   Ecarlate, l'enseignant les fusille du regard.

ROMAIN. – Je ne vous demande qu'une seule chose... Que s'est-il passé ?
KYRA. – Une sacrée saloperie.
ROMAIN. – Votre langage... Qu'est-ce que vous entendez par cela ?
KYRA. – Ça ne vous regarde toujours pas. & je ne vois pas ce que ça a à voir avec le cours...
ROMAIN. – Ecoutez, en tant que remplaçant, je me dois de savoir ce qui est arrivé à mon prédécesseur afin d'adapter mon cours.
DOLORES. – Oh ça non !
ROMAIN. – Mais enfin, vous êtes incapable de ne pas m'interrompre ?!
KYRA. – Ecoutez, on va en finir rapidement. Ce qui est arrivé à Sharon...
ROMAIN, la reprenant. – A madame Sherbakova...
DOLORES, bas, à Estelle. – C'est l'hôpital qui se fout de la charité...