Chapitre 7 - La peur au ventre

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La nuit s'est accordée à mes émotions alors que nous quittons le campus universitaire, de grosses gouttes de pluie martèlent le pare-brise du van de Leïla. Cela fait un bruit atroce et les essuie-glaces ayant longuement vécu semblent avoir du mal à suivre la cadence, aussi, paradoxalement à l'urgence de la situation, Leïla conduit prudemment.


Un silence pesant s'est emparé de l'habitacle. Aucune de nous deux ne sait trop quoi dire, ressassant dans notre coin l'attaque de cette nuit, nous demandant si nous n'avons pas été victimes d'une hystérie collective. J'ai arrêté d'épuiser mon souffle après mettre excuser un bon nombre de fois, elle m'en, j'en suis certaine. Et qui pourrait lui jeter la pire ? Je porte déjà cette culpabilité depuis ma naissance.


Nous avons pris soin de grimer sa plaque d'immatriculation, la ville est sous vidéo-surveillance et cela permettra, lorsque mon père parviendra à mettre la main sur les images de ralentir ses pistes. Il n'aura que le modèle du véhicule pour remonter jusqu'à nous et j'espère que cela lui prendra plus de temps.


Leïla ne cesse de jeter des petits coups d'œil dans le rétro intérieur, mais personne ne semble nous suivre. À vrai dire, depuis que nous avons quitté la ville, dépassé ce maudit panneau qui dissimule l'horreur de cette commune en apparence si tranquille, nous n'avons pas croisé âme qui vive. Il n'est que trois heures du matin, la nuit est profonde avec un ciel désormais embrumé. Je gigote sur mon siège, incapable de me tenir tranquille, l'ongle de mon pouce soufre de l'anxiété qui croie dans mon estomac et désormais des petites perles de sang le borde. Dans mon esprit, je ne cesse de revoir, en boucle, le moment où j'ai pressé la détente. À cet instant qui a échappé à toute temporalité pour laisser s'échapper ma peur et ma colère. C'est étonnement facile de sauter le pas et je me retrouve à contempler mon acte, pas si différent de celui de mon père, de cette nuit-là. Moi aussi, je suis capable de tirer, de blesser... 

Qu'est-ce qui m'empêcherait de tuer après cela ?

Est-ce que le meurtre est inscrit dans mes gènes ? Est-ce une malédiction de sang qui s'allie à mon nom de famille ? Un héritage funeste.


C'était de la légitime défense. Leïla a failli mourir. Je ne suis pas un monstre.


Je regrette cela dit de ne pas avoir mon téléphone afin de contacter ma grande sœur. Peut-être aurait-elle pu me prévenir que quelqu'un était déjà à mes trousses. Comment a-t-il pu découvrir si vite que j'étais parti ?


Je passe une main dans mes cheveux pour tenter de dompter ma panique, ils sont atrocement rêches et je les noue rapidement en tresse pour m'éviter de trop les triturer. Enfant, lorsque l'anxiété était trop forte, il m'arrivait de les arracher compulsivement à la racine. J'en ai tiré d'énormes plaques dégarnies, ma mère était folle et moi, je souffrais un peu plus.


Le bruit du moteur du van ronronne, assourdissant tout le reste. La nuit est percée par les phares jaunes qui éclairent la route déserte devant nous. Je jette un coup d'œil à Leïla, ses mains crispées sur le volant, les phalanges blanchies par la force de sa poigne. Sa respiration est rapide, presque saccadée, et une marque rougeâtre entoure son cou. Elle doit sentir mon regard pesant puisqu'elle se décide à briser le silence.


- Est-ce que c'était un homme de ton père ?


Eros et PsychéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant