Quinze ans plus tard...
Je fais tournoyer ma main dans les rayons de lumière, ils s'entrelacent avec mes doigts et les cajolent. Ma peau apprécie cette caresse du Zénith, elle se réchauffe et transmet au reste de mon corps un certain réconfort inattendu. Voilà plusieurs heures, déjà, qu'on est venu ouvrir les rideaux, me priant de commencer la journée. J'ai senti les effluves de pancake tout chaud ainsi que de café, provenir de la cuisine, en bas, puis le soleil s'est dressé un peu plus dans le ciel, alors j'ai entendu la vaisselle être débarrassée, des soupçons de voix. J'ai fermé les yeux encore quelques minutes et à mon réveil, le soleil est à son apogée et les cuisines s'activent de nouveau. Je traîne plus que de raison entre mes draps de soie, leur douceur a le mérite de me faire oublier qu'à cette heure-ci, je devrais avoir le cul posé dans un amphi, entourée d'une centaine d'étudiants, à écouter un professeur barbant et rêvasser. Rêvasser, mais apprécier, en fin de compte, le tapotement frénétique des claviers d'ordinateur, le chuchotement des bavards du fond et les plaintes des étudiants qui n'ont pas eu le temps de noter ce que disait le prof avant qu'il ne passe à autre chose.
Dieu que je tuerais pour entendre, ne serait-ce qu'une phrase d'analyse littéraire à cet instant.
Mais ce n'est plus pareil. Je n'en ai plus le droit.
Ces doux rayons du soleil ne font que miroiter un peu plus ma cage dorée.
On dit souvent que l'on se rend compte de la valeur de ce qu'on avait une fois qu'on la perdue. J'ai bien vite réalisé que l'université représentée ma liberté, mais je n'avais pas compris qu'en réalité, c'était tout ce que j'avais.
Leïla...Sophia...
À l'heure qu'il est, elles doivent se demander où je suis passée et pourquoi je ne les ai pas prévenues de mon absence. Peut-être même qu'elles s'inquiètent. Je ne loupe jamais la fac, même lorsque je suis malade.
Je remonte la couette sous mon menton et caresse distraitement mon oreiller, j'ai mal à la tête à force d'avoir trop pleuré. Je me sens groggy et mes pensées envahissantes n'aident en rien, elles me suggèrent qu'il vaudrait mieux rester des heures ainsi plutôt que d'affronter celui qui m'a brûlé les ailes.
Je ne peux descendre, appliquer un faux sourire sur mon visage serait impossible ce matin, à la différence des précédents et croiser son regard... Ce serait insupportable.
Je n'ai plus d'échappatoire, plus aucune raison de pousser la porte d'entrée et de m'offrir au seul air qui m'aide à respirer correctement.
Une main invisible enserre ma gorge et tente de la broyer, je parviens à peine à garder les yeux ouverts tant ils sont meurtris après avoir pleuré toute la nuit.
J'aimerais m'évaporer, à la manière de l'eau, là, étendue dans ces draps, je souhaiterais ne faire qu'un avec les rayons de soleil. Eux semblent ne jamais perdre leur éclat, et même lorsque les nuages les étouffent, ils reviennent toujours.
Moi, je sens que je ne vais pas revenir cette fois.
Plus rien ne sera comme avant.
Une inspiration difficile transperce mes poumons, il vaut mieux que je dorme à nouveau. Peut-être toute la journée même.
Pourtant, à l'autre bout de ma suite, des petits coups d'abord timides cognent contre ma porte. Ils se font plus téméraires alors que je tends l'oreille.
Allez au diable !
Je reste prostrée dans le silence, le regard perdu à travers ma fenêtre, sur la cime des arbres de l'orée du bois voisin, mes jambes se perdant entre les draps.
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Eros et Psyché
RomansMATURE (18 ans et +) Psyché, fille d'un redoutable mafieux, est condamnée à un destin qu'elle n'a pas choisi : un mariage arrangé qui servirait les intérêts de son père. Rêvant désespérément de liberté, elle tente en vain de s'échapper, ne voyant pl...