Chapitre 10 - La faiblesse de tes sentiments

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Je m'agrippe plus fermement au mollet de mon père, mes doigts l'enserrent et j'espère que cela lui provoque une douleur similaire à celle qu'éprouve mon cœur.

- Ne fais pas ça ! Je crie, la voix brisée par la panique. Ne l'approche pas.

Je tire de toutes mes forces, tentant de l'immobiliser, mes bras tremblent sous l'effort inutile, mon poignet me ferait hurler de douleur en temps normal mais l'adrénaline ne fait pulser contre mes tempes que le déchirement de sa menace.

- Papa, arrête ! Je m'étrangle alors qu'il ne semble pas m'entendre, les articulations en feu et les larmes ruisselant sur mon visage.

Mon corps tout entier est secoué par des sanglots incontrôlables, des images affreuses de Leïla défigurée et couverte de sang s'enchaînent dans mon esprit. Un carrousel endiablé de conséquences funestes que je ne peux supporter. Je refuse de le lâcher. Je m'accroche à lui parce que la vie de mon amie en dépend. C'est injuste et cruel, je ne laisserais pas ce monstre parvenir à ses fins, faire du mal à mon amie la plus chère juste pour son divertissement.

Il s'arrête un instant, baisse les yeux vers moi, et dans son regard, je ne vois que mépris. Ses traits restent impassibles, mais l'expression de dégoût qui passe dans ses yeux me fige. Il me trouve pathétique. Ridicule. Comme si je n'étais qu'un obstacle insignifiant. Pas sa fille. Un père ne devrait pas rester insensible aux sanglots de sa fille, il ne devrait pas être capable de soutenir son regard pleins de l'arme sans une once de sentiment. Mais après tout, mon paternel n'a jamais été de cette trempe là. Son regard froid traverse mon âme, c'est comme si, dans ses yeux, je n'étais qu'une erreur.

Sans un mot, il donne un léger coup de hanche, tentant de se dégager de mon emprise, comme si je risquais simplement d'abîmer son joli costume. Mais je m'accroche plus fort, mes genoux raclent contre le sol lorsque je me traîne pour ne pas le lâcher, mon jogging s'en abîme de plus belle. Pathétique. Voilà de quoi j'ai l'air.

Mais ce n'est pas pour autant que j'arrête de tirer sur son pantalon, en priant pour que le temps s'arrête. Leïla n'est qu'à quelques pas de nous, étendue sur le lit. Elle remue en gémissant de douleur, elle a bien plus morflé que moi, d'abord avec cet homme qui l'a étranglé puis lors de l'accident. Je ne parviens pas à savoir si elle a retrouvé pleinement conscience. J'aimerais examiner chacune de ses blessures en m'excusant pour chacune d'elle au lieu de craindre une nouvelle fois pour sa vie. Bientôt, le bruit incessant de de gouttes martelant le sol de cette cave miteuse pourrait être celui de son sang. Ma joue se colle contre la cuisse de mon père, mes larmes tâchent le coton égyptien de son pantalon, j'encercle sa jambe en la serrant aussi fort que je le peux.

- Je t'en prie...

Mais il semble être arrivé à bout de patience, d'un geste brusque, il secoue sa jambe avec une force telle que je me retrouve ébranlée, ma prise faiblit sous l'effet de la surprise, mes bras épuisés cèdent contre ma volonté, je glisse et tangue sur mes genoux, mes forces diminuées ne me permettent pas de me rattraper. Alors je bascule en arrière. Je me rattrape de justesse sur mon poignet blessé, un hurlement déchire ma gorge alors que des décharges insupportables traversent mon avant bras et que des étoiles dansent dans mon champ de vision. Je mords avec force ma lèvre inférieure pour m'empêcher de crier de nouveau, refusant de lui donner la satisfaction de me trouver faible. Un goût métallique emplit ma bouche et je ferme les yeux un temps pour retrouver mes esprits. Je n'ose même pas toucher mon poignet que je sens pulser.

C'est dérisoire Psyché.

Une douleur totalement insignifiante par rapport à ce que pourrait ressentir Leïla s'il parvient à ses fins.

Reprends toi !

Ma vision est floue lorsque je bats des cils pour chasser mes larmes. Le souffle court à cause de la douleur, je suffoque mais je ne baisse pas les bras. Je ne vois que mon père, ce géant au cœur noir qui se tient là, satisfait d'avoir écarté l'ennui que je représente. En deux pas, elle sera de nouveau à sa portée.

Eros et PsychéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant