Chapitre 2 - s'enfuir ou périr

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J'ai beau être discrète, lorsque mon pied passe l'embrasure de la porte, c'est comme si mon aura chatouillait la dizaine d'hommes présents dans cette pièce.
Les conversations s'arrêtent, à mesure que leur yeux me découvrent. Un putain de bout de viande dans une arène de lion.

Le silence s'abat et semble peser sur mes épaules, la grande horloge rythme les battements de mon cœur. Mon regard croise celui de Cléo, appuyée contre la grande bibliothèque murale, les bras croisées sur sa poitrine, elle m'adresse un petit hochement de tête me félicitant de ma présence.
C'est à cet instant, lorsqu'un petit sourire discret accompagne son mouvement que quelque chose craque en moi. Elle doit sans doutes penser que ma présence est en partie dû grâce à elle. Comme si chacun de mes choix n'était en réalité que des actions dictées par autrui. Les restant de peur que j'éprouve se retrouvent éclipsés par la colère de les voir ainsi rassemblés, feignant que leur magouilles n'a pas brisé mon monde.

Mon coeur anesthésié empêche la terreur de me glacer les os, face à leur regard. Ils n'ont rien d'amicaux, chacun d'entre eux porte sur son visage les stigmates du mal. Cicatrices et tatouages ne servent que d'avertissement de ne pas s'y frotter et leur regard...oh leur regard, ils sont des puits sans fond de noirceur. Des trous béant où la pénombre peut s'y déployer à sa
guise, de véritable armes directement braquées sur moi.

Ils forment une élite silencieuse autour de leur chef, une barrière de protection armée jusqu'aux dents.

Lui siège tel un roi, dans son immense fauteuil de cuir, arborant un costume Prada, ses jambes croisées et son menton posé dans sa paume, le coude profondément enfoncé dans le cuir de l'accoudoir. Sa chemise se tord sous ce geste et je jurerais que le tissus pourrait craquer d'une seconde à l'autre tant ces muscles y sont à l'étroit. Les traits de son visage, que les rides peinent à déformer avec le temps, sont tirés et agrémenté d'un regard clair traître. Son bleu semblable à un océan calme n'est qu'un leur pour vous inviter à y plonger entièrement, mais dès cet instant, ils vous entraîneront dans les profondeurs et vous ne pourrez que regretter le battement de ses cils gracieux qui vous a envoûté à la manière du chant des sirènes mythologique.

Les coins de sa bouche se dressent en petit sourire, il fait tournoyer le liquide ambré que contient son verre à whisky et me détaille de la tête aux pieds. Ses yeux se durcissent à mesure qu'il passe en revu mon accoutrement mais il se retient de tout commentaire en portant son verre à ses lèvres fines.
J'entends ma sœur Zéna pouffer, d'un coup d'oeil, je la découvre sur les genoux de son mari, le bras droit de mon père, qu'il a recueillit alors qu'il n'était encore qu'un gamin pour en faire le fils qu'il n'a jamais eu. Le fameux « non mais il est trop sexy » qui n'a, en fin de compte, rien de séduisant avec des traits dépourvu d'histoire et aussi banals qu'un Sims pioché dans la galerie du jeu.
Son caractère n'aide pas non plus, il affiche un air ennuyé à chaque fois et à cet instant encore plus alors que ma sœur l'enlace sans aucune pudeur. Mon père doit vraiment l'apprécier pour ne pas lui couper les jambes sur lesquelles se pavane Zéna aux yeux de tous.
Je ne prends même pas la peine de jeter un regard noir à celle-ci, si avec Cléo le dialogue est compliqué, Zéna c'est pire. Elle est l'arrogance à l'état pur.

- Mon trésor !

Ma mère me surprend en posant une main au creux de mes reins puis en m'enlaçant. Ses bras serrent mon corps contre elle bien trop fort, dans une étreinte qui a, depuis bien longtemps, perdu sa familiarité. Elle se veut maternelle aux yeux de tous mais je n'oublie pas qu'hier soir, elle est restée prostrée dans le silence, telle une carpe alors que mon père me brisait. Elle a compté chacune de mes larmes en ne prenant pas la peine de les essuyer.
Mais il y a du monde, nous sommes tenu de faire semblant d'être une famille soudée, faire front commun pour ne pas laisser le monde extérieur nous diviser.
« Ensemble, rien ne nous brise »
Absolument pas ce que je m'apprête à démontrer.

Eros et PsychéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant