Chapitre 12

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Qui aurait cru que de voir des rayonnages entiers dédiés à la KPOP me comblerait un jour de joie ? Pas moi. D'ailleurs, ça ne me comble pas réellement de joie : trop de couleurs, trop de selfies, trop de pauses à la limite de la gênance.

Non, mais c'est carrément cringe, en fait. Pourquoi elles font des cœurs avec leur visage ? Avec leurs doigts ? Et ce truc de gonfler les joues, là ?  Bon, c'est toujours mieux d'affronter ça et les 150 000 versions du même album que d'être perdu. Même voir Kamilla, c'est mieux !

Les lieux commencent à se remplir, les étagères à se vider. Je ne sais pas où sont passés mes guides après avoir franchi la porte et honnêtement, je m'en contrefiche.  Je suis juste heureux d'être rentré sain et sauf. 

Je me promène un moment dans le pop-up store, sans savoir vraiment quoi faire. J'ai envie de m'asseoir, mais trop peur de me faire regarder de travers ou pire, me faire interroger par les membres du staff. 

Je ne comprends pas pourquoi elles n'ont rien dit quand je suis entré tout à l'heure. Magalie a été très claire : c'est réservé aux VIP du concert de demain soir. Personne d'autre ne peut rentrer. Nous n'avons un passe-droit que parce qu'elle est la gérante de l'endroit qui, en tant ordinaire, est un café plutôt à la mode. 

Mes pas me mènent vers la partie restauration. Si j'achète un muffin (décoré ou non d'un chaton ou d'un hippocampe), je pourrais prendre place à une des tables sans attirer l'attention.

Hélas... les deux terribles K sont déjà là, à siroter une boisson tout en émiettant des cookies. 

— Stan, bordel, t'étais où ? râle Kamille sitôt qu'elle me voit et même si je suis à l'autre bout de la pièce. Et même pas tu réponds au téléphone ? tu sers à rien comme frère !

Des regards se braquent sur moi. Des chuchotements fleurissent de-ci de-là. Quelques gloussements. Pour la discrétion, c'est raté.

— Vous allez réussir à rentrer avec tout ça ? leur demandé-je en montrant les sacs bariolés qui traînent à leurs pieds.

— Bah oui, t'es un homme, t'es fort, tu vas les porter ! rétorque Kloé avant de renifler. C'est chiant que t'aies pas été là, Maman est occupée et on voulait monter à l'étage, mais les meufs nous ont refoulés. 

— Elles sont connes en plus, souffle Kamilla. Elles ont pas arrêté de répéter « Oua ariou elone. » Comme si on parlait coréen... on a des têtes à parler coréen ?

Wahariou... oh, je vois. Why are you alone.

— Ta copine est censée le parler, le Coréen, mais en l'occurrence c'était de l'anglais. Elles voulaient sans doute juste savoir pourquoi deux sales gamines caucasiennes essaient de s'incruster à l'event qu'il y a là-haut. 

Kloé se renfrogne. Grommelle. Elle va dans une école française : elle ne parle pas si bien le coréen. En réalité, depuis trois ans, elle n'a appris que quelques phrases utiles, mais est incapable de le comprendre. 

— Ma mère traduit tout, je vois pas pourquoi je me serai emmerdé à apprendre... en plus, faut vraiment tout apprendre, l'alphabet, les mots, les sons... dans deux ans on retourne en France, alors aucun intérêt.

— Oui, c'est vrai, respecter la langue et la culture du pays qui t'accueille pendant cinq ans, quel intérêt, marmonné-je malgré moi avant de m'éloigner d'elles.

Un « tché boomer » et un « mais quel neuille ! » fusent. Je les ignore. J'ai faim, soif, et envie de m'asseoir. Dans un coin tranquille plus loin possible des deux gamines, si possible.


J'ai obtenu une demi-satisfaction : je suis loin des vipères. Pour la tranquillité en revanche, on repassera : les chuchotements n'ont cessé de grossir. Des téléphones sont braqués sur moi. Des filles sont même venus me poser des questions avant de repartir, dépitées de ne pas parvenir à se faire comprendre. Même si c'est surtout moi qui reste sur la touche. Elles se servent de leur smartphone pour tout traduire. Moi, je n'ai ni traducteur, ni un anglais assez bon pour être compris par leur IA. 

Famous 𝓘𝓭𝓸𝓵, Secret 𝓵𝓸𝓿𝒆Où les histoires vivent. Découvrez maintenant