Echec et mat ? - 36

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Le silence comme accueil, je me gare et ouvre la grille entr'ouverte dont le grincement s'envole avec les corbeaux dans le ciel nuageux. J'enfourche de nouveau ma moto puis parcours les derniers mètres qui me séparent de Yolanda.

Les battements anarchique de mon cœur en fond, je tambourine à la porte en l'appelant. Après quelques secondes qui restent sans réponses, j'agrippe la poignée d'une main hésitante puis la tourne. La peur de découvrir ce que la porte cache me saisit alors qu'elle s'ouvre lentement.

L'obscurité m'accueille de sa froideur et une odeur que je n'arrive pas à définir agresse mes narines. Une main sur le nez, je progresse dans le manoir à l'aveugle.

Après quelques pas, au détour de la porte donnant sur la salle à manger, je reste immobile en découvrant un pied dépasser de derrière la table. Guidée par la main de la peur, je m'approche fébrilement puis laisse dévaler les larmes naissantes. Sans réfléchir, je me précipite sur le corps inerte de Yolanda et la secoue en hurlant son nom.

Ma lucidité voilée par l'émotion, je ne me rends pas compte de la froideur de sa peau. Les mains pleines de son sang, je tente désespérément de faire tampon sur la plaie béante dans sa poitrine. Après de longues minutes, la raison déchire enfin le voile et me fait réaliser la situation. Assise aux côtés du cadavre de Yolanda, mon esprit se perd dans les souvenirs qui se rejouent trois ans plus tôt au manoir Condore.

Le corps de Paola remplace celui de Yolanda, la salle à manger se transforme en cuisine. Trois ans ont passé et pourtant le même sentiment de culpabilité resurgit. Aujourd'hui est peut-être différent sur l'intensité de la douleur de ma perte mais pas moins sur la culpabilité. Tout comme Paola, Yolanda gît là par ma faute.

Penchée sur son corps, je me confonds en excuse avant de me relever pour partir. Je n'ai pas fait trois pas que je me trouve face à face avec un canon de revolver pointé sur moi.

Les yeux plissé sous le halo de lumière qui m'éblouis , je lève mes mains pleines de sang et me fige malgré le rythme effréné de mon cœur.

— May Madini, veuillez nous suivre. Nous allons devoir vous emmener au poste pour éclaircir votre présence sur les lieux.

Sa voix enlace mon cou et sa gravité le serre m'empêchant de trouver l'air. Le souffle court, je coopère alors que son collègue me passe les menottes.

Mon corps et mon esprit ne communiquent plus si bien que je laisse l'agent me guider jusqu'à la voiture dont les gyrophares percent la nuit tombante de leur lumières aveuglantes. Une main sur ma tête, l'autre dans mon dos, il accompagne mon corps sur mon siège puis me ramène à la réalité en claquant la portière.

Les mains dans le dos, le visage face à la grille, je reste muette le temps du trajet.

Installée dans la salle austère des interrogatoires, je contemple mon poignet dont l'acier commence à lacérer la peau. Attachée comme une vulgaire bête à la table bien trop grande pour la pièce, je pose mon regard sur le reflet du miroir faux teint face à moi. Malgré la distance, je ne peux m'empêcher de constater mon visage tâché de sang dont l'expression est digne des plus grands tueurs. Je ferme les yeux et basse la tête pour me concentrer sur ma respiration et ravaler chacune des émotions qui tente une percée.

Le claquement brutal de la porte me sort de ma concentration. Un homme en uniforme à l'air grave s'avance en me dévisageant, un dossier à la main. Avec nonchalance, il s'installe face à moi et claque le dossier sur la table. Neutre, je lui renvoie son regard noir avec lequel il me juge déjà.

— Bonjour madame Madini. Je suis l'inspecteur Repano. Nous vous avons emmené ici pour discuter de ce qui s'est passé plus tôt aujourd'hui. Vous comprenez pourquoi vous êtes ici ?

Le Phénix- Renaissance [TOME 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant