La douce chaleur des rayons du soleil sur ma peau dissipe les brumes de mon sommeil. Je promène mes doigts sur les draps de soie à la recherche d'un contact familier.Aucune chaleur, aucune présence.
Je tente alors d'ouvrir les yeux mais l'intensité de la lumière m'oblige à les fermer aussitôt.
Enfin habituée à la luminosité, je découvre une chambre à l'atmosphère relaxante. Totalement décorée en bois naturel, une légère odeur iodée caractéristique de la mer parfume la pièce.
Je me redresse et comprends alors d'où elle vient. Face à moi, les voilages blancs dansent sous le passage de la douce brise par la grande fenêtre ouverte. La curiosité d'en découvrir plus me guide hors du lit.
La main pour ombrage, je souris en apercevant Ezio jouer sur le sable doré en compagnie d'un petit garçon. Depuis la terrasse s'élèvent leur éclat de rires qui appellent mon cœur à les rejoindre. Les pieds dans le sable chaud, le sourire aux lèvres, je ne peux détacher mon regard de cette scène qui me submerge d'amour.
A grandes enjambées la distance se réduit et les traits d'Ezio s'affinent. Me sentant arriver, il se redresse mais son regard se fige sur un point derrière moi. Sa mine se décompose à mesure que ses yeux s'agrandissent.
Un bip perçant émerge alors dans l'air ricochant sur le calme de la mer. Statufiée, je me retourne et découvre avec effroi les flammes affamées dévorer la maison.
Plus les secondes s'égrainent, plus le bruit s'intensifie jusqu'à devenir si assourdissant que je sors de ma torpeur.
Cette fois le réveil est tout autre. La chambre à l'atmosphère relaxante a laissé place à une chambre froide et austère. Une odeur de désinfectant remplace l'effluve marine et les doux rires d'Ezio et de l'enfant sont réduits au silence par le bip de mon cardioscope.
Avant même de comprendre ce qu'il m'arrive, je foudroie du regard cette machine infernale et la maudis pour m'avoir arrachée à mon rêve et ramener à la réalité.
Figée par l'incompréhension et animée par la quête de réponses, je jette un rapide coup d'œil dans la pièce. Andy, recroquevillée est assise sur une chaise, la tête entre les mains. J'essaie alors de me redresser mais suis aussitôt arrêtée par les violentes douleurs qui parcourent tout mon corps. De leurs mains invisibles, elles me contraignent à me recoucher. Le bruit du froissement des draps fait relever la tête d'Andy.
— May tu es enfin réveillée ! s'exclame-t-elle en se précipitant vers moi.
Malgré la tendresse de son étreinte, la douleur se réveille instantanément. Je sens alors ma joue aplatie devenir humide de ses larmes.
— Andy ça va, je vais bien, tout va bien. la rassuré-je en grimaçant, chaque inspiration effleurant la douleur.
Elle se retire le visage obscurci par les cernes et le désespoir.
— Tu es restée si longtemps dans le coma. Les médecins devenaient de plus en pessimistes quant à ton réveil mais je savais que tu étais plus forte qu'ils ne voulaient le croire.
Je la fixe, les sourcils légèrement froncés, la respiration plus rapide. Je déglutis difficilement suite à sa révélation, agrippant de mes mains moites les draps pour tenter de les maintenir immobiles.
— Comment ça ? J-je suis restée combien de temps dans le coma ? articulé-je la gorge sèche.
— Ça fait un peu plus de quatre mois maintenant. Ton corps a subi beaucoup de traumatismes depuis que tu es allée te venger et quand tu as pris ces deux balles, il était loin d'être rétabli. Ton état s'est stabilisé depuis hier soir sinon ton pronostic vital était toujours engagé.
Malgré ses lèvres qui continuent de bouger, aucun mot ne parvient à mes oreilles qui se sont comme bouchées à l'écoute de la durée de mon coma.
Tétanisée de découvrir ce que je redoute le plus, je dépose lentement mes mains sur mon ventre. Sans voix, je me fige alors que mes paroles se dissolvent en larmes quand je le sens plat.
Face à mon visage décomposé, Andy libère ses sanglots. Chaque perle dévalant ses joues ancre un peu plus profondément ma peur.
— Non ne me dis pas que...articulé-je faiblement, l'émotion serrant ma voix.
Emportée par sa tristesse, elle n'ose pas me répondre et acquiesce simplement de la tête pour confirmer ma crainte. Par ce simple geste, je sens la cruelle main du chagrin envelopper mon cœur et le serrer si fort qu'il n'en reste plus qu'un tas de miettes. Dévastée, je m'accroche malgré tout à la lueur d'espoir qu'il me reste, Ezio. En pleure, j'ose cette question que je redoute depuis mon réveil.
— Ezio est-ce que ?
Les larmes d'Andy s'intensifient.
— Je suis désolée. articule-t-elle en hochant la tête de gauche à droite.
A cet instant, la douleur physique n'est rien comparée à la douleur émotionnelle que je ressens. Mon monde s'écroule. Tout devient anarchique, mon pouls, ma respiration, mes pensées. Tout ce que mon cerveau contrôlait jusqu'à maintenant s'émancipe et s'engage dans une danse désarticulée. Le fil qui me raccroche à la vie vient soudainement de céder sous le poids de la nouvelle. Perdue au milieu de cet océan gris et froid, je ne fais que boire la tasse des vagues qui s'enchaînent et me submergent. Dans le tourbillon de mes émotions, je n'arrive plus à sortir la tête hors de l'eau. Les profondeurs du chagrin m'enlacent de leurs sombres volutes et m'emportent loin, loin de la surface et plus près des abysses où pour toute lumière brille l'obscurité, froide et destructrice.
Les yeux cloués sur un point invisible, je reste paralysée de l'extérieur alors que tout mon être se consume à l'intérieur. Malgré ses paroles qui tournent en boucle comme un disque rayé dans mes pensées, je n'arrive pas à digérer les mots d'Andy. Dans tout ce tourment, une idée se dégage petit à petit du brouillard : quitter ce monde pour rejoindre celui dans lequel sont partis Ezio et Orfeo.
— Laisse-moi mourir. ordonné-je à Andy, sans daigner détourner mon regard du vide.
Mon lit se soulève légèrement lorsqu'elle bondit pour se planter à côté de moi. Même si je ne la regarde pas, je sens émaner d'elle la chaleur de sa fureur.
— T'avais qu'à jamais ouvrir les yeux si c'est pour me sortir des conneries pareilles à ton réveil ! Maintenant que tu es revenue tu restes ! Je ne te donne pas le choix May ! s'enrage t'elle d'une colère que je ne lui connaissais pas.
Sa réponse provoque une rage incontrôlable en moi. Je m'arrache les perfusions, je hurle et pleure en me débattant de l'emprise d'Andy qui essaie de me contenir.
Dans un cri de détresse, elle appelle à l'aide et au bout de quelques minutes, une infirmière débarque dans la chambre. Quand elle me voit en état de panique, elle appelle du renfort.
Avec l'aide de deux médecins, ils me contentionnent. Maintenue comme si on voulait exorciser le démon en moi, je sens une petite piqûre à l'épaule avant que tout le monde ne relâche son emprise. D'abord étonnée par cette capitulation soudaine, je comprends vite qu'on m'a administré un somnifère quand je sens mon corps s'alourdir de fatigue et devenir incapable de tout mouvement.
Les effluves du tranquillisant se dispersant dans mon esprit, mes pensées s'obscurcissent pour ne devenir que le vide du sommeil qui me gagne. Les larmes encore au coin des yeux et le cœur, s'il y en a encore un, anéanti, je bascule dans les abîmes du néant où seule l'obscurité me tient compagnie.
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Le Phénix- Renaissance [TOME 2]
AventuraDe nouvelles flammes de vengeance; Couvantes puis incandescentes; Aussi inattendues que mortelles; Sillonnent l'île du soleil; De l'envolée menaçante; D'une renaissance cruelle. Cette histoire est le deuxième tome de la série " Le phénix", digne suc...