Chapitre 22

1 0 0
                                    


Je reviens petit à petit à moi, mais le sac est encore sur ma tête. Je peine à respirer correctement. Je suis encore sur le cheval, mais il ne court plus. On me soulève et me pose sur l'épaules de quelqu'un, comme un sac de patates. Mon souffle ce coupe bruyamment quand mon ventre percute l'os de mon porteur. D'un coup, Je ne sens plus de vent, plus de sable, et plus de bruit. Juste les pas des deux hommes qui résonnent sur de la pierre, me balançant comme si je n'étais rien, comme si je ne pesais rien. Au bout d'un moment, ils s'arrêtent me pose sans ménagement sur le sol et mon fessier heurte douloureusement le sol. Putain... Je pousse un cri de douleur étouffé, puis on me retire le sac que j'ai sur la tête. Je peux enfin gonfler mes poumons d'air.

Je regarde autour de moi, je suis dans une grotte, à l'abri du froid et du vent. La personne qui m'a retiré le sac me tourne le dos. Mais je le reconnais. Il s'agit le Crayon, dans son costume sale. Je vais pour lui parler, mais aucun son ne sort de ma bouche. Je suis incapable de prononcer le moindre mot. Ma gorge est enflée, et me fait vraiment mal. Je tente de me redresser, mais je suis pieds et poings liés. De surcroît, je n'ai plus mon revolver ni mon sac. Tout est resté dans le désert, je ne sais où. Je ne sais même pas où on m'a emmené. Je ne connais pas du tout cette caverne, qui a l'air profonde.

— Vous êtes venu, dit alors le Crayon, le sourire aux lèvres. Je ne pensais pas que vous le feriez, je suis épaté !

— Où est Rose ? Je demande, entre mes dents. Elle s'était surprise elle-même en adoptant une voix grave, presque caverneuse. Ma gorge me brule et je tousse.

— Chaque chose en son temps, on va d'abord vérifier que vous allez bien, les jumeaux m'ont dit qu'ils vous ont trouvé dans un sale état !

Il désigne deux hommes que je n'ai pas vu, assis dans un coin de la caverne, dans l'ombre. Ils sont grands, même assis, massif et chauve, la peau mate. Ce sont donc ces deux hommes qui m'ont enlevé. Je ne peux contenir mon frisson. Ils ont l'air hostile et me dévisage d'un drôle d'air. Le Crayon s'en va, et me laisse ainsi sous la surveillance des deux hommes chauves, qui ne parlent pas, même entre eux. Ils sont armés aussi, de deux révolver à leur taille, et un fusil dans le dos. Je ne me souviens pas les avoir vu à bord du train. Sans doute s'occupaient-ils d'autres wagons. Je me demande ce qu'ils me veulent, pour se donner tant de mal pour me récupérer dans le désert, une nuit de tempête de sable.

Le Crayon revient, avec un vieille homme maigre, les cheveux longs et blanc, tout comme sa barbe. Je m'interroge sur sa faculté à encore pouvoir marcher avec aisance devant la maigreur de ses jambes, dont le pantalon trop grand, était tenu par une salopette sur sa chemise. Il m'adresse un immense sourire bienveillant, et s'approche de moi. J'ai malgré moi un mouvement de recul. Je ne sais pas quoi penser de lui. Je ne me souviens pas non plus l'avoir vu pendant l'attaque. Combien sont-ils ?

— Oh ne vous en faites pas, me dit celui-ci d'une voix de vieillard, je ne vais pas vous faire mal, je vais essayer d'apaiser vos blessures, le sables vous a griffer, votre peau doit vous bruler.

Je ne réponds pas, ma gorge me brule, j'économise donc le moindre effort, et observe la main du vieil homme qui trempe ses doigts dans un pot en terre cuite, et en ressort un gel épais et transparent. Je grimace de dégout tandis qu'il approche la substance de mon visage.

— Ne bougez pas, c'est du gel d'aloe vera, c'est apaisant, et cicatrisant, ça vous soulagera.

D'abord réticente, le contact froid et humide du gel soulage instantanément le feu qui brule sur son visage. Je me laisse même à fermer les yeux.

— Voilà, je pense que Le Borgne va vouloir lui parler maintenant.

Le nom de Le Borgne me sort instantanément de mes songes. J'ai presque oublié que je me trouve en son antre, avec ses hommes. Il n'y a rien de bienveillant dans tout ça, en témoigne mes mains et chevilles encore liées. Mon estomac se noue. Si jusqu'à présent, les hommes qui sont autour de moi ne m'ont fait aucun mal, je redoute de me retrouver en face à face avec leur chef, que j'avais un peu provoqué lors de notre première rencontre. Je suis des yeux les deux hommes qui s'en vont dans une des galeries de la caverne, les suppliant presque de rester avec moi du regard, mais ils ne me regardent pas. Les jumeaux se lèvent à leur tour, de toute leur grande taille, et s'éloignent également, me laissant seule pour de bon. Je souffle, essayant de calmer les battement rapides de mon pauvre cœur.

Les Forgeurs de Monde: T1 L'Eau et le FerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant