Chapitre 8

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Il avait passé la nuit à réfléchir. Il savait pertinemment qu'ils allaient échouer, mais il se devait d'essayer. Il ouvrit son sac, et compta les balles qui lui restait. Il n'en avait pas beaucoup, et les gaspiller dans cet entreprise était de la pure folie, et pourtant...

Il sortit de sa tente. Le vent était chargé de chaleur, aussitôt dans la matinée. Cette journée allait être particulièrement compliqué. La Tempête était encore allongé de tout son long, les yeux grands ouverts vers le ciel. Il s'approcha du feu et raviva légèrement les braises pour y réchauffer le café infame qu'avait préparé Mac. Celui-ci sortit de sa tente, et remit son chapeau sur ses longs cheveux blancs, et chassa un serpent qui avait élu domicile dans sa botte en râlant.

— Comment va-t-il ? demanda Le Borgne, en désignant le jeune homme.

— Il survit, il peste, il te maudit.

— Ah.

Il ramassa la casserole et se servit un fond de café épais et goudronneux, et le bu cul-sec. Le gout infecte de la substance ne le faisait plus grimacer depuis longtemps, mais il ne put réprimer le frisson que cela lui procura.

Le Crayon sortit à son tour, jetant un rapide coup d'œil à la Tempête qui avait sans doute estimer qu'en ce jour, il les ignorerait tous. Le Borgne fronça les sourcils. Il savait d'avance qu'ils allaient refuser ce qu'il allait leur annoncer, mais il se devait de le faire.

— Alors, chef ? On part à la chasse aujourd'hui ? demanda le Crayon en frottant ses mains.

— J'espère juste qu'on trouvera autre chose que du serpent, rétorqua Mac, en crachant un ignoble mollard dans le feu, le faisant frémir.

— J'ai un tout autre plan, leur dit alors Le Borgne, avec une voix grave. Nous allons attaquer la diligence qu'a repéré Anders.

Il tourna les talons, et récupéra son révolver, tout en saisissant une poignée de balles. L'homme barbu, sur ses talons, le visage empli de protestation.

— T'en fais vraiment qu'à ta tête, on est pas prêt Le Borgne, et tu le sais ! scanda Le Crayon, de toute sa voix.

Le jeune homme de l'écoutait pas, il chargea son révolver et en fit tourner le barillet avant de le ranger dans son holster.

— Si vous ne voulez pas venir, rien ne vous y oblige, fini-t-il par dire, d'un ton monotone, s'adressant à la fois au Crayon et au Macchabé, avant d'enfourcher sa monture. Le Poisson et le Mollusque, silencieux, l'imitèrent.

Le Crayon jeta un regard désespéré vers le toubib, qui le lui rendit, laissant tomber ses bras dans un geste d'exaspération. Ils savaient tous les deux que faire changer d'avis leur Boss était peine perdu. Ils avaient beau être les plus vieux de la bande, Macchabé le plus sage, jamais le jeune hors la loi ne les écoutait.

— Tu sais bien que je peux pas le laisser risquer sa peau... fini par avouer Le Crayon, en regardant le trio s'éloigner du camps.

— Vas-y, je garde nos affaires, fais en sorte qu'il soit pas trop amoché, j'ai déjà assez de boulot avec notre Tempête estropié... lui répondit Le Macchabé, en lui tapotant amicalement son épaule dodue.

Le Crayon enfourcha à son tour son canasson et rejoignit le reste du groupe.

Le Borgne dirigeait son cheval au trot, précédent le groupe, scrutant l'horizon désertique d'un œil expert. Ils allaient bientôt arriver par le chemin où la diligence allait finir par passer. C'était le seul chemin assez plat qui menait à Lotès, la région où s'établissaient les grandes villes d'Atlas, sans risquer de briser une roue. Il n'y avait pas vraiment d'endroit où se cacher, et sans les explosifs de La Tempête, ils allaient devoir faire un braquage à l'ancienne, priant que le véhicule s'arrête devant eux. Ils descendirent de leur chevaux, et commencèrent à étudier les lieux. Le soleil enveloppait toute l'étendu sablonneuse et stérile, sur laquelle seule les immenses squelettes et fossiles de créatures marines gigantesques, ayant vécu dans cet ancien océan, s'érigeaient de part et d'autre, brisant ainsi la ligne infini de l'horizon, ondulant sous l'effet de la chaleur qui émanait du sable. Il faisait une chaleur écrasante, les jumeaux entourèrent leur crâne dégarnie d'un foulard. Le Crayon transpirait toute l'eau que contenait son corps, essuyant son front d'un revers de manche. Le Borgne réajusta son chapeau et retroussa ses manches. Ils allaient devoir patienter quelques heures avant que la diligence n'arrive à eux. Ils n'auraient plus qu'à la cueillir, si tout se passait bien.

Les Forgeurs de Monde: T1 L'Eau et le FerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant