Chapitre 7:Ryusui

14 3 0
                                    

Je sors de la chambre d'Ukyo le cœur plus léger, bien que encore ombragé d'une certaine préoccupation. Chaque fois que je lui rend visite, je suis frappé par la sérénité mais aussi la tristesse, la mélancolie qui émane de lui. Alors j'espère que ce souvenir l'aidera à sourire plus souvent.

Alors que je descends les escaliers du bâtiment, je tâche de me préparer mentalement pour ma prochaine expédition. La mer m'appelle, comme toujours, mais cette fois il y a quelque chose de différent. Le regard d'Ukyo lorsqu'il a accepté le médaillon flotte encore dans mon esprit. J'ai l'impression que quelque chose à changé en moi. Peut être que cela tenait à la reconnaissance qui brillait dans le fond de ses yeux. Ou peut être est ce simplement dû au fait que, pour une fois, je laisse derrière moi quelque chose de plus qu'un simple au revoir.

Je rejoint le port en milieu d'après midi. L'odeur familière du sel, du vent marin et du bois humide me saisi tout de suite. Un sourire se greffe sur mes lèvres alors qu'un frisson d'excitation parcours mon échine. C'est ces moments que j'aime le plus. Juste avant de larguer les amarre, quand l'océan s'étend à perte de vue et que tout est encore possible. En montant à bord, je suis accueilli par les autres membres de l'équipage qui partagent clairement mon excitation. Il ne restent plus que quelques détails à régler avant d'être enfin prêt à partir. Mais tandis que je donnais mes directives et que les voiles se gonflait de vent, je sens une autre force me tirer vers l'arrière. Le vent soufflait droit vers l'horizon mais c'est comme si quelque chose m'empêchait de me laisser pleinement porter par lui. J'étais pris d'un désir inexplicable de retourner auprès d'Ukyo, de lui parler encore un peu plus.
Je secoue la tête, un sourire en coin, amusé par ma propre réaction. C'est sûr, ce qui m'arrive là est une première. La mer m'appelle, comme toujours, mais je porte aussi en moi une envie irrépressible de revenir.

Je m'efforce de chasser ces pensées de mon esprit alors que le navire commence à quitter le port. Le bruit des vagues contre la coque, le craquement des cordages, et le chant lointain des mouettes m'aident à me recentrer. Tout cela est familier, rassurant. C'est ce que j'ai toujours voulu : l'aventure, la découverte, le frisson de l'inconnu. Pourtant, une partie de moi reste ancrée à cette chambre, à ce visage paisible mais mélancolique que j'ai laissé derrière moi.
Je monte sur le pont supérieur, cherchant le vent sur mon visage, espérant qu'il balaie les doutes qui se sont installés. Mais même en ressentant la brise fraîche, je me rends compte que quelque chose a changé. Le large m'appelle toujours, mais cette fois, ce n'est plus la seule chose qui importe.

Mes pensées reviennent sans cesse à Ukyo, à ce moment où nos regards se sont croisés après qu'il ait accepté le médaillon. Il y avait dans ses yeux une lueur que je n'avais jamais vue auparavant. Un mélange de gratitude et de quelque chose de plus profond, de plus intime.
Le navire prend de la vitesse, les voiles claquent au rythme du vent, et je m'efforce de me concentrer sur l'expédition. Il y a tant de choses à découvrir, tant de mystères à élucider.
C'est à ce moment que je remarque enfin la présence de François qui attendait patiemment une réaction de ma part. Lorsque nos regard se croise, il me sourit d'un air entendu.

-Cap Sud Est, je lance enfin non sans jeter un dernier regard vers la côte qui s'éloigne.

Puis je laisse mes yeux se perdre dans l'horizon en sentant toujours la présence réconfortante de François près de moi. Il comprend mes silences et sait quand je suis prêt à parler. Rien de plus normal quand on sait qu'il a été là à chaque étape de ma vie, a vu mes rêves naître et à été témoin de mes moments de joies comme de mes moments de doutes.

-François, je l'interpelle finalement d'une voix plus douce que je ne l'aurai pensé, tu penses que c'est normal...de vouloir revenir avant même que le voyage ne commence vraiment ?

Il me regarde un instant, scrutant mon visage comme pour mesurer la profondeur de ma question. Un léger sourire étire ses lèvres, empreint de cette sagesse tranquille qu'il a toujours eue.

-Monsieur Ryusui, si vous voulez mon avis le désir de partir et de revenir ne sont pas opposés, commence-t-il avec cette douceur qui me fait toujours réfléchir, vous avez toujours été attiré par l'inconnu, par la promesse de nouvelles aventures. Mais il est naturel, et même beau, d'avoir quelqu'un ou quelque chose qui vous donne envie de revenir. Cela n'enlève rien à votre passion pour la mer, bien au contraire.

Ses paroles me touchent plus profondément que je ne l'aurais cru. Il a raison, bien sûr. Ce que je ressens pour Ukyo ne diminue en rien mon amour pour l'aventure, mais cela lui donne une nouvelle dimension, un nouveau sens.

-Merci François, dis je en lui offrant un sourire sincère.

Le majordome incline légèrement la tête suite à quoi il me regarde avec une lueur de compréhension plus profonde, comme si il avait saisi quelque chose qui m'était encore inconnu. Puis, dans un geste presque imperceptible, il ajuste sa veste et se retire tranquillement.

Je prends une profonde inspiration, laissant le vent salé emplir mes poumons. Je ne suis pas étranger à ce genre de sensations, à ce tiraillement entre deux désirs contradictoires. Mais cette fois-ci, il y a autre chose. Un sentiment nouveau, à la fois exaltant et troublant. Peu importe où cette expédition me mènera, je sais qu'à la fin, il y aura toujours une raison de revenir. Peut-être pas pour découvrir de nouveaux horizons, mais pour explorer ceux qui se trouvent au plus profond de moi-même.

L'étreinte du fil et de la mer.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant