LÉNA
Sur la pause de midi, je profite d'une éclaircie agréable pour rejoindre Nadia sur la pelouse verdoyante, au milieu des bâtiments principaux de l'université. Celle-ci m'attend, installée sur une sorte de grande foutah, quelques petits mets posés dessus.
— J'ai eu le temps d'acheter deux trois trucs avant de me poser, m'explique-t-elle.
Elle a calé ses lunettes sur sa tête, bloquant des mèches de cheveux en arrière. J'ai remarqué qu'à la moindre occasion où elle n'est pas obligée de les mettre, elle les retire.
— J'ai pris des tomates cerises, du concombre, de l'ail et fines herbes...
Elle continue de me lister toutes les choses qu'elle a achetées et un seul commentaire me vient en tête, au terme de son énumération.
— Tu as prévu de nourrir toute la fac ?
Nous partageons un sourire amusé, même si le mien fane rapidement.
— Sers-toi !
Bien que mon appétit ne soit pas au beau fixe, je grignote tout en écoutant ma coloc me raconter sa matinée. Parfois, je décroche, toujours pour les mêmes raisons et cela m'agace tellement que je m'imagine en train de chiffonner la tête de monsieur l'arrogant comme une vulgaire boule de papier pour le jeter dans une corbeille, hors de mon cerveau. Bien sûr, si c'était aussi simple, ça se saurait...
— Bref, un peu compliqué. Surtout les notions de perspective sur lesquelles j'ai quelques lacunes. J'ai beaucoup travaillé pour compenser mais les premiers cours m'ont grandement incitée à passer du temps à la bibliothèque. Dès demain !
— Tu ne veux pas commencer aujourd'hui ?
Elle secoue la tête.
— Les pré-sélections pour intégrer les AU-DAC-ES ont lieu ce soir.
Je fronce les sourcils.
— Il me semblait avoir entendu jeudi.
— Apparemment, Carrie Stevens adore donner une fausse première date pour dissuader les moins déterminées à se présenter. Je l'ai appris par une fille dans mon cours de cartographie du changement climatique.
— T'as vraiment un cours qui s'appelle comme ça ?
— Et ce n'est pas le plus intéressant, soupire Nadia. Bref, assez parlé de moi. Comment s'est passée ta première matinée ?
À nouveau, le garçon au teint hâlé me revient en tête. J'ai beau tout entreprendre pour le chasser de là, rien ne fonctionne. C'est comme s'il avait tatoué son empreinte sous mes paupières à l'encre indélébile, pour s'assurer que je ne l'oublie pas. Avec des manières aussi désobligeantes, cela ne risque pas.
Sur le point de parler de lui, je me ravise finalement. Sans bien savoir pourquoi, je ne souhaite pas partager ce moment à voix haute. Peut-être parce que c'était embarrassant ? Ou parce que ce que je ressens est un peu plus en demi-teinte que ce que j'aimerais croire...
VOUS LISEZ
THE WINGMEN OF THE APOCALYPSE
RomanceMon âme est en miette. En fuyant la France pour intégrer l'université de Yale, je pensais avoir laissé mes démons derrière moi. J'avais tort... J'avais pourtant tout anticipé : nouveau continent, nouvelle ville, nouveaux projets. Je devais recommenc...