Mon âme est en miette.
En fuyant la France pour intégrer l'université de Yale, je pensais avoir laissé mes démons derrière moi. J'avais tort...
J'avais pourtant tout anticipé : nouveau continent, nouvelle ville, nouveaux projets. Je devais recommenc...
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LÉNA
Blottie sous mes couvertures, je fixe le poster qui siège au-dessus de mon lit. Mylène, au summum de sa gloire. Cette image a toujours su m'insuffler les différentes énergies dont j'avais besoin, mais là, je reste insensible à son effet. Il y a tant d'émotions qui tonnent en moi qu'à tout moment je menace d'éclater.
Enceinte.
Je suis enceinte.
Depuis tout ce temps, je pensais que les douleurs se trouvaient dans ma tête et que je devenais barge. En réalité, une explication rationnelle existait et je ne m'en suis pas aperçue. Ou bien je l'ai ignorée de toutes mes forces ? Depuis cet été, je ne porte plus de ceinture. Inconsciemment, j'ai dédaigné mes fringues moulantes, au fil des jours, sans vraiment y prêter attention.
Jusqu'où le cerveau peut-il nous laisser nous mentir à nous même de la sorte ?
Un frisson me glace l'échine. Je vais devoir prendre une décision rapidement en ce qui concerne le fœtus dans mon ventre.
Dix-huit ans... je n'ai que dix-huit ans. Je ne devrais pas avoir à affronter un tel dilemme. Au fond, je n'ai jamais réfléchi à la question des enfants. Est-ce que je désire en élever ou non ? Je suis trop jeune pour me la poser. Et en même temps, serais-je capable d'abandonner ce qui grandit peu à peu en moi ? De laisser des médecins arracher le fruit de mes entrailles ?
La vie ne m'a pas assez piétinée. Apparemment, elle en veut plus. J'ai eu beau mordre la poussière jusqu'à flirter avec la mort, cela ne lui suffit pas. Je ne sais pas quelles mauvaises actions j'ai commises dans une autre vie, mais ça a dû être sanglant. Quelle autre explication pourrait-il y avoir à cet acharnement ?
Plus que jamais, je me sens véritablement persécutée. Par-dessus tout le reste, c'est l'injustice qui me bouffe.
Puis le visage de Sacha s'impose à mon esprit alors que je suis toujours emmitouflée dans le blouson qu'il m'a prêté et que je refuse de retirer. À l'intérieur d'une poche, j'ai trouvé ses bagues que j'ai machinalement passées à mes doigts, bien qu'elles soient trop grandes pour moi, pour imiter sa présence.
Le sportif, tour à tour passionné de littérature, arrogant et sarcastique, intriguant et craquant, sexy et ensorcelant. Quand il a vu les réelles taches de sang sur mon pantalon, son visage s'est transformé. J'ai juste eu le temps d'apercevoir le choc profond dans ses iris avant de m'écrouler.
Je ne peux rien lui reprocher. Il a aussitôt appelé les secours, a attendu aux urgences jusqu'à ce que je sorte. Je ne lui aurais jamais prêté cette attitude chevaleresque lorsque je l'ai rencontré et pourtant... ce garçon est plus que son image publique.
Ces sessions de révisions qui nous ont permis de nous voir presque tous les jours pendant des semaines ont contribué à nous rapprocher. Même si nous n'évoquions jamais rien de très personnel, j'ai fini par mieux l'apprivoiser. Nous avons ri ensemble, partagé de longues conversations sur nos classiques de la littérature préférés.
