CHAPITRE 28

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LÉNA

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LÉNA


Nerveusement, je me passe la main dans les cheveux pour la cent-unième fois, bloquant sur un nœud pas encore rencontré. Je le retire avec une grimace, puis je m'observe dans le retour caméra. Vu la teneur des propos que je m'apprête à tenir, je ne suis pas certaine que mon apparence nécessite autant de vérifications.

Peut-être est-ce un moyen de mieux atermoyer. La gorge nouée, je me demande si je vais réussir à prononcer les mots qui s'entrechoquent dans ma tête. J'ai pensé à des dizaines de tournures de phrases, aucune ne frôlant la perfection. Sûrement parce qu'elle n'existe pas. Tout ce qui compte, c'est que ça vienne des tripes...

Seule dans la chambre que je partage avec Nadia, je me tiens raide comme la justice, assise sur mon lit. Face à moi, un trépied de fortune maintient mon téléphone prêt à me filmer. Cela fait maintenant une bonne heure que j'aurais dû me lancer, mais je n'y arrive pas. Je reste perpétuellement bloquée sur les souvenirs du passé. Ils me font prisonnière de leur forteresse d'épines, moi qui ne cherche qu'à voir la vie en rose.

Tu dois prendre le contrôle, Léna.

Après un nombre incalculable de faux départs et de bafouillages au bout de trois mots, je m'éclaircis la gorge puis repars en guerre.

— Je m'appelle Léna de Clermont-Germain. J'étais une lycéenne simple, souriante et enjouée, prête à réaliser ses rêves. Jusqu'au jour où j'ai rencontré Pierre Guyot. Jusqu'au jour où il a abusé de ma confiance. De moi. Jusqu'au jour où il m'a violée.

Ma voix déraille sur le dernier mot mais je tiens le coup. Je n'ai pas envie de faire de cet enregistrement un montage pour le publier sur YouTube de manière badine. Le sujet est sérieux, mon témoignage sincère. Je veux que ce soit le résultat d'une confidence, pas d'une histoire émaillée de bonus fallacieux. Chacun des termes que j'emploie est vrai. Chaque fragment que je dépeins, réel.

De but en blanc, sans réfléchir, en me déconnectant complètement, je confie devant la caméra ce que j'ai réussi à ne raconter qu'à une seule personne, depuis la tragédie. Sacha demeure l'unique gardien de mon secret. Il est mon protecteur, mon pilier, mon joyau. Sans lui je serais toujours prisonnière de mes cachots intérieurs. Sa main tendue m'a extirpée du puits sans fond dans lequel je sombrais, jour après jour, perdue dans des ténèbres déboussolantes. Jusqu'à croiser les mêmes dans ses iris à la clarté assombrie. Jusqu'à trouver en lui l'écho d'une douleur que personne d'autre n'aurait pu percevoir, ni même comprendre.

Lorsque je prononce la dernière phrase de ma tirade, je me précipite sur la caméra pour l'éteindre. Mon doigt effleure le bouton « stop », une larme coule sur ma joue. Un violent sanglot me secoue mais rapidement, j'essuie mon visage du revers de la main. Car si j'ai ressenti une affliction profonde en me replongeant là-dessus, j'ai surtout expié le mal. Ce monologue s'apparente à une véritable catharsis de mon âme meurtrie.

THE WINGMEN OF THE APOCALYPSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant