LÉNAAprès avoir repris un peu de poil de la bête vendredi, j'ai pris le week-end pour moi. Je suis restée enfermée, certes. J'ai ruminé, certes. Mais j'ai aussi eu quelques moments plus légers, quand Nadia est parvenue à me divertir. Elle a passé une bonne partie de son temps libre à la bibliothèque pour réviser en prévision des examens et j'aurais dû l'imiter.
Malheureusement, je n'avais pas la tête à ça. Ces quarante-huit heures supplémentaires n'étaient pas de trop pour ressasser encore et encore. Pour encaisser les nouvelles. Je n'ai pas encore trouvé de solutions à mes problèmes et je sais que l'échéance approche. Si je décide de mettre un terme à ma grossesse, la loi en vigueur dans le Connecticut m'y autorise au moins jusqu'à la vingtième semaine.
J'ai eu bien du mal à trouver des informations sur internet. Les lois subissent des modulations d'un état à un autre, ce qui rend la compréhension globale extrêmement compliquée, comparée à la France. Cela dit, mon pays ne l'autorise que jusqu'à douze semaines, ce qui m'aurait mis dans une position complexe... Là, j'ai encore un peu de temps pour réfléchir et choisir la solution qui me pousserait le moins au bord du précipice.
Ce lundi matin s'annonce un peu moins sombre que la semaine passée. Après avoir suffisamment retourné le profil Instagram de Spotted Yale pour voir ce que les gens avaient à dire sur mon compte, j'ai fini par lâcher prise. Je me fous de ce que les autres peuvent penser. Ou en tout cas, je vais essayer de m'en foutre.
Histoire de ne pas attirer l'attention plus que nécessaire, j'ai enfilé un pull noir fin et un jean de la même couleur. J'ai attaché mes cheveux en un chignon négligé et me suis contentée de mon habituel mascara. Ce dernier aide à masquer les pleurs qui m'ont secoué régulièrement ces derniers jours. Ce matin encore, j'ai le sentiment que si je pense trop fort à ma situation, je vais éclater en sanglots.
La seule chose qui me permet de tenir debout, c'est d'avoir réussi à lâcher un tout petit peu prise. Juste suffisamment pour que mon esprit puisse, de temps à autre, se concentrer sur autre chose et s'oxygéner. Même si mes démons reviennent sans arrêt me hanter, ils ne sont plus omniprésents. Ils m'octroient de brèves coupures qui font la différence.
Après avoir pris une grande inspiration et hésité une bonne dizaine de fois, je finis par sortir de ma chambre et ferme à clef derrière moi. Je m'engage dans le couloir, les yeux rivés à mes Air Force One blanches. Bien que je ne les affronte pas en vision directe, je perçois le poids des mauvais regards qui s'abattent sur moi. Le jugement m'écrase et m'oppresse, mais je continue de poser un pied après l'autre en direction de l'air frais que je n'ai pas respiré depuis plusieurs jours.
Je m'accroche de toutes mes forces à l'idée que les étudiants de Yale savent seulement ce qu'ils ont vu. J'ai perdu connaissance et j'étais tachée de sang. À partir de là, diverses rumeurs sur lesquelles je préfère ne pas poser de mots ont vu le jour mais sans preuve, rien n'a été confirmé. Concrètement, personne ne connaît le secret que je préserve en dehors du docteur Hiatus et de Sacha. Cette nuance là aussi contribue à me pousser vers l'avant. Les gens aimeraient savoir, mais ils ne savent rien.
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THE WINGMEN OF THE APOCALYPSE
RomanceMon âme est en miette. En fuyant la France pour intégrer l'université de Yale, je pensais avoir laissé mes démons derrière moi. J'avais tort... J'avais pourtant tout anticipé : nouveau continent, nouvelle ville, nouveaux projets. Je devais recommenc...