Chapitre 27

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Il cligne lentement des yeux tout en émergeant. Le coup à la tête que nous lui avons donné doit lui procurer une migraine affreuse.

Enfermés dans une cage exigée dans les cachots de l'académie, nous attendons patiemment en jouant aux cartes avec Elyo. Ne sachant pas quand il se réveillerait, nous avons mis ce temps à profit. C'est également un bon moyen de déstabiliser l'adversaire.

Toujours paraître le plus confiant possible.

Mon père avait raison, ne pas montrer sa panique est une clé essentielle dans un interrogatoire.

Cela fait plusieurs fois que nous le voyons tapi dans l'ombre. Au début, je pensais que c'était un petit épieur qui se demandait pourquoi le cercle de la princesse s'est agrandi aussi vite. J'aurais pu comprendre sa curiosité mal placée. Pourtant, son visage ne me dit rien. J'ai assisté à tous les enrôlements dans la maison Extremis. Je me souviens de chaque visage que j'ai terrorisé avec Onenty sur l'estrade de bienvenue. Il n'en faisait pas partie.

— Tu as un six de cœur ? me demande Elyo.

Nous jouons au Dogpique, un jeu de notre enfance. Il suffit de faire des suites de cinq cartes en faisant des échanges stratégiques sachant qu'une partie du jeu est défaussé. C'est à la fois du hasard, du bluff et de la réflexion. Tout ce qu'on adore.

— Le prisonnier est réveillé, lance Elyo sans lâcher des yeux son jeu de cartes.

J'entends également sa respiration s'accélérer, son cœur s'emballer. Il est en train de réaliser qu'il n'est plus en sécurité et que nous faisons nous-mêmes le sale travail. Il est plus facile de corrompre des mercenaires, des espions ou des pions qui sont sur l'échiquier adverse. Il est plus difficile de faire tomber des pièces maîtresses.

Il relève la tête et observe ce qui l'entoure. S'il cherche un moyen de s'échapper, il peut réfléchir encore longtemps. La seule issue est derrière moi et je n'ai aucune envie de lui céder le passage. Les murs sont tachés du sang des précédents détenus. Il y a qu'un pauvre lit en bois derrière lui et un saut. Les gardes sont au bout du couloir au cas où nous jouerions à la chasse à l'homme, mais nous n'allons pas faire durer le plaisir.

— Première question, dis-je pour commencer sans me décentrer de mon jeu. Pour qui travaillez-vous ? Oh et, si tu mens, je le sentirais, c'est l'avantage d'être de la famille royale.

Je lui jette une œillade qui se veut sévère. Lorsque je rencontre son regard, je vois qu'il est en plein combat interne et qu'il fixe Elyo comme pour trouver la réponse. Le cœur des prisonniers s'emballe lorsqu'ils mentent, je suis capable depuis un certain temps de sentir leur rythme cardiaque, tout comme celui de n'importe qui, à n'importe quel moment, soit dit en passant.

— Pour... pour... le général...

Ce sera plus rapide que ce que je pensais. Je n'aurais donc pas besoin de faire couler le sang pour avoir des réponses. Mon uniforme ressortira sûrement propre.

— Bien, répond Elyo.

— Deuxième question, pourquoi ?

Je sens le silence s'installer. Il cherche une réponse convenable. Il cherche les mots justes, les mots qui portent la vérité. Je continue de jouer avec Elyo et lui laisse le temps de me répondre. Je ne suis pas pressée, j'ai tout mon temps. Enfin un peu quand même, je ne souhaite pas passer ma nuit ici.

— As-tu un huit de pique ?

Je sens dans ses yeux qu'il comprend, au fur et à mesure que nous restons là à jouer, que nous ne bougerons pas jusqu'à ce qu'il parle. Ma patience à des limites, si à la fin de la partie je n'ai pas eu les réponses que j'attendais, j'emploierais la force. Tant pis pour mon uniforme.

Le prix de la loyauté [envoyé en maison d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant