Tokyo Moon

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Allongé sur l'herbe fraîche, caché par des buissons, je prends mes jumelles et analyse les lieux. Un bip sur vibreur déclenché par ma montre connectée m'apprend que ma victime vient d'arriver sur les lieux, grâce à une technique imparable que j'ai installée l'autre soir en allant faire un tour à son refuge. Placée à l'intérieur de son allumage automatique, une fois qu'elle s'enclenche, ça me prévient directement sur mon ordinateur, qui enclenche en suivant un signal sur ma montre. Comme cela, je n'ai pas besoin d'être à proximité, ainsi que d'être protégé.

Evil est si détendu face à la situation que ça me perturbe. Je suis très forte pour analyser les gens à la base, mais lui, c'est un coffre-fort. Persuadé qu'il n'était pas fait pour ce monde-là, il est en train de me prouver clairement le contraire. À sa place, certains, ce serait pissé dessus, même à des kilomètres de la cible. Le fait de pouvoir être rattraper par la police et de finir par croupir dans une prison, l'instinct de survie s'enclenche et la peur les saisit.

— Qu'est-ce que tu vois ? m'apostrophe Evil, alors que j'étais penché sur son cas dans mes pensées.

— Rien pour l'instant, il doit être en train de sortir les chiens en cages et de préparer la nourriture. C'est qu'après ça qui les sort dans l'espace clos.

Ces nuits sont les meilleures de toute ma vie. Les partisans du diable retrouvent leur roi dans un dernier soupir.

Je me considère comme la reine de l'enfer, celle qui appose son fessier sur l'accoudoir du trône de Lucifer. Mon amant, mon ami, mon mari, mon confident, l'amour de ma vie. Nous vivons un amour écrit comme dans une fiction. On le ressent, on le vit, mais ce n'est pas réel.

J'avais décidé que Evil viendrait, mais resterait en arrière pour ne pas me déboussoler ou me gêner, sauf que son comportement m'oblige à changer mon fusil d'épaule, ce soir sera sa première sous mes yeux. L'apprenti a intérêt à assurer.

— Va chercher dans mon sac une cagoule, des gants, et rejoins-moi le plus rapidement possible.

Il ne réfléchit même pas et cours en direction de notre QG pour cette nuit. En attendant, je sors mon sniper, enclenche les piquets, m'installe confortablement pour être à l'aise et surtout ne pas rater mon tir. On se trouve à peu près à cinq cents mètres de sa position. Le vent, les tremblements peuvent me faire dévier et faire échouer le plan. Les commanditaires, malgré le fait qu'elles soient jeunes, n'apprécient pas un travail bâclé et je tiens par-dessus tout à ma réputation.

— J'espère que tu es prêt, tu vas poser ton empreinte dans notre monde. C'est le grand soir ! Sois bon, ne te mets pas dans mes pattes, ne panique pas, et fait ce que je te demande, et tout se passera bien, d'ébité-je.

Je souffle un bon coup. Ajuste la vision et attends qu'il apparaisse dans mon champ de vision. Les séances de yoga que j'effectuais en présence de ma mère m'ont aidé à canaliser toutes ces émotions que l'on peut ressentir au moment où nous passons à l'action. Je canalise toute cette rage pour la contenir jusqu'à la première effusion de sang. De là, l'horreur s'affiche dans mon regard, mon côté féroce s'agrippe sur chaque os qui m'habite, la pulsion contient les battements de mon cœur, et là, je deviens une tout autre personne que personne n'aimerait avoir en face d'elle.

Son visage écœurant, encadré d'un bonheur éphémère apparait dans la lunette de mon fusil. J'inspire, j'expire, l'index sur la queue de détente, la main gauche sur la partie supérieure pour plus de stabilité.

Lecoup part...

Je relâche tout ce que j'ai dans les mains et part dans une rapide foulée vers lui. Les chiens me suivent après les avoir sifflés pour qu'ils me rejoignent. J'écarte les branchages de ma route, saute par-dessus les pierres ou troncs d'arbre tombés pendant une tempête.

The queen of crimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant