Evil Blood

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Depuis deux jours, le rythme de vie de Tokyo s'imbrique dans la mienne. Coucher aux aurores, j'ai arpenté les couloirs de cet immense bâtiment regorgeant de nombreux appartements, aux nombreuses pièces, le long de cette nuit pendant qu'elle s'affrétait à sympathiser ainsi qu'à éduquer selon ses règles ses matous.

Penché sur mon bureau au coucher du soleil, je recommence à faire une rétrospection de ma vie. Lutter de toutes mes forces à était mon mantra. Ne faire confiance à personne s'inscrivait dans mon code, alors qu'en ce jour, j'ouvre une brèche à la demoiselle. Sa personnalité me correspond plus ou moins, son franc-parler me donne une certaine tranquillité, le fait que Bundy m'oriente vers elle me pousse à y croire, à cette fameuse existence que j'ai toujours méritée. Mais attention, je jouerai avec elle comme quand je jouais au policier et au voleur dans ma jeunesse. Jamais, au grand jamais, je ne serais le toutou d'une femme. En revanche, je vais m'amuser avec elle pour qu'elle devienne ce dont j'ai envie qu'elle soit pour moi.

— Oh le bouseux ! Ta valise est prête, on bouge, m'ordonne Tokyo après avoir tambouriné sur ma porte.

Je fonce dans le couloir, en caleçon et déboite presque la porte de nerf de cette intrusion insultante dans mon intimité.

—  À part m'emmerder, quel est ton but, fleur fanée ?

— Te faire assister à un meurtre, ça te suffit, m'aguiche-t-elle à moitié, tout en se jouant de moi, heureuse du petit effet qu'elle produit. Elle sait ce qu'elle a dû pouvoir avec ses yeux de biche.

— Ne te met pas martèle en tête, on lit en toi comme dans un livre ouvert. Tu ne feras qu'assister Evil et avant que tu te confondes en argument, sache que c'est non négociable. Donc, si tu es toujours partant, fait ta valise et rejoins-moi au garage. Dans l'autre cas, laisse la clé et barre-toi, tu ne seras pas une grande perte pour moi.

Pantelant, sur le seuil, j'analyse en quatrième vitesse mes options. Il n'est plus l'heure de poser le pour et le contre, j'ai environ une trentaine de secondes pour me décider.

Enfoncée au fin fond de la forêt, chargée comme des mulets, Tokyo ne s'arrête plus. Tout le trajet, j'ai essayé de lui tirer les vers du nez pour obtenir quelques informations sur ce que nous nous apprêtons à faire, mais rien, elle n'a rien voulu lâcher.

Cachés derrière une gigantesque bute, elle laisse tomber ses affaires, et commence à préparer le terrain. Préparation du fusil, et tout son assortiment. Installée sur un rocher non de loin de là, j'apprécie le spectacle du charme de Tokyo. Sa somptueuse noirceur donne de l'éclat à ses billes oculaires. La voir dans son élément me conforte dans sa suprématie. Elle a beau être une femme, elle m'est tellement supérieure de ce côté-là. C'est une situation dont je vais devoir remédier expressément. Je ne suis pas machiste, mais je n'ai pas la revendication de devenir une poule mouillée face à elle.

— Maintenant que mes empreintes ont cramé, que comptes-tu m'apprendre ?, engagé-je la conversation.

- Tout d'abord, au lieu d'inspecter de fond en comble mon fessier comme un pervers, tu aurais pu te bouger pour me donner un coup de main. Et puis si tu veux servir à quelque chose, nettoie cette arme, elle me l'envoie en plein thorax. T'es un ancien militaire, tu devrais connaitre son fonctionnement, si tu n'étais pas trop nul.

— Aimes-tu essayer de me rabaisser avec tes piques sur mon passé ? Sache que j'ai vécu bien pire que ta mesquinerie, donc éclate-toi comme une petite folle, tes paroles ne m'atteindront pas, mais n'oublie pas que le karma frappe souvent comme un boomerang.

- Oh ! Continue de mordre, ça m'excite hautement si tu veux savoir.

— J'ai compris, affirmai-je. Tu es seul depuis tellement longtemps, qu'avoir à faire confiance en ton prochain t'est difficile. Je te rassure, je n'avais pas demandé à être là. Maintenant, c'est fait. Donc, on se fight et cela finira en cataclysme ou apprends-moi et devenons partenaire de crime.

- Merci pour ton petit Laïus. Malheureusement, je bosse mieux, seule. Dans le cas présent, les parents m'ont encore joué à un sale coup en mettant sur mon chemin un clown qui aurait besoin d'aventure : Toi.

Le contraire m'aurait étonné, cette femme est une montagne de roche. Tokyo pioche dans son sac à dos une bouteille d'eau, en avale une grosse goulée. Elle m'apparaît comme prête et décidée à me révéler à contrecœur bien évidemment un pan d'information.

- Avant ma naissance commence-t-elle en s'installant sur sa chaise de fortune, visant les étoiles qui se promènent au-dessus de nous. Nos parents ont piraté les réseaux de la police criminelle afin d'étudier la manière dont il réussisse à appréhender les suspects. À partir de là, ils ont établi un nombre incalculable de stratagèmes pour ne jamais être retrouvé. Brûlage d'empreintes, cagoules, vêtement neuf pour qu'il n'y ait pas de l'ADN, de mèches de cheveux ou autre, des chaussures plus grandes que leur pointure habituelle, reboot des caméras de la ville, etc. Au fil du temps, ils ont établi un plan parfait et encore mieux, ils visualisaient et entendaient la moindre information sur les enquêtes en cours grâce au piratage de tous les commissariats sans que jamais, ils s'en rendent compte.

— Ils avaient donc toujours un coup d'avance précisé-je en la coupant dans sa déclaration, mais aussi très impressionné par tout ce qu'ils ont mis en place.

— Nous avons toujours un coup, voire trois coups d'avance sur eux. Tu fais partie de l'aventure à présent non ?

Tellement drôle de sa part d'entendre ce type de réflexions, ce qui doit lui écorcher la gueule. Dans cette vaste nature boisée, l'air doit lui procurer un bien-être salvateur qui doit l'aider à s'ouvrir. Le temps commence à se rafraîchir, le vent se lève très légèrement. Prononcer le mot « Nous » titille ma partie sexuelle, aucun homme ne pourrait prétendre qu'elle ne l'attire pas.

J'ai noté une nette différence dans son tempérament lorsqu'elle est proche de ses chiens, malgré le fait qu'elles ne les connaissent que depuis une journée. Elle est plus attachée à l'espèce animale, qu'à l'espèce humaine. Avec eux, elle sourit, rigole, et se détend complétement, en étant toujours sûr prête à l'assaut.

Elle regarde sa montre et me fixe intensément.

— C'est le moment !

Elle se lève, attrape son fusil, ses jumelles, et d'un geste de la main signale aux chiens de la suivre.

Je vais assister à mon premier meurtre, l'excitation me gagne...  

The queen of crimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant