« You have to breaking your heart until it opens ». Rûmi
J'étais installée dans mon lit, couverte d'un linge en coton. J'avais veillé comme toujours à m'assurer que la lumière était tamisée pour éviter d'agresser mes yeux.
Les bruits de voitures dans la rue m'agaçaient mais je ne pouvais pas être plus seule que maintenant. Quoi qu'en apnée, à la piscine, personne ne nous embête, on n'entend rien. C'est tellement agréable d'être en apnée ! En prosternation pendant la prière, j'ai parfois l'impression d'être comme à la piscine. En communion avec moi-même, avec l'univers.
Toutes ces expériences de vie m'avaient fait prendre conscience de la personne que j'aspirais à devenir. C'était comme si l'image que je m'étais si soigneusement conçue pour faire plaisir à chacun était en réalité complètement déconnectée de qui j'étais.
Pourtant notre image ne devrait-elle pas être façonnée par nos soins ?
Je me demandais alors quelle image je voulais donner de moi ? Ayna qui es-tu en réalité ? Ou plutôt devrais-je dire qu'aspires-tu à devenir ?
Et si la problématique était en réalité plus profonde ? Et si, in-fine, je m'étais voilée la face ne voulant pas entrer dans une recherche du moi. Dans ce cas là, rien à voir avec l'image que je renvoyais. Incroyable comme l'ego nous berce d'illusions. Comment allais-je parvenir à sortir de ce mirage ?Cette prise de conscience me permettait de comprendre à petit feu pourquoi j'attirais des personnes qui ne me ressemblaient en rien. Ceci expliquait tous les quiproquos auxquels j'avais pu être confrontée. Mais en réalité je ne sais même pas qui me ressemble. Tout le monde et personne à la fois.
Je comprenais doucement que je n'avais pas trouvé dans mon entourage de modèle à suivre me permettant de devenir celle que je voulais être. Comme j'étais dans la photocopie des codes comportementaux, j'avais une habilité à me faufiler dans une identité qui n'était pas la mienne à l'image d'un caméléon afin d'éviter de me dévoiler au grand jour comme je suis vraiment.
Un peu comme lorsqu'un nouveau-né copie l'expression faciale d'un parent. Ça n'est jamais vraiment ressemblant mais à force d'efforts, on parvient doucement à être comme papa et maman veulent que l'on soit.
Que c'est embêtant ! Pourquoi on nous demande de faire tous ces trucs débiles. Les éléphants en Thaïlande ne veulent pas avancer ou porter des touristes riches sur leur dos, pourquoi les y obligent-t-on ? Le lion en zoo ne veut pas rugir, alors frapper sur la vitre ne sert à rien si ce n'est à montrer que... Désolée je m'évade, enfin non je m'éparpille. Il parait que c'est plus correct de dire qu'on s'éparpille. J'ai appris qu'il y a une ligne invisible qu'il faut suivre. Les synonymes de cette ligne sont : fil de la conversation, fil conducteur.
Ma tête est un grand glossaire des codes comportementaux. J'ai appris plusieurs choses mais j'ai du mal à comprendre pourquoi dans certains cas elles s'annulent "en fonction du contexte". Cette expression a toujours été difficile à comprendre, le contexte.
C'est comme si dans ma tête il y avait un Tetris géant, une matrice gigantesque qui dit que : règle A oui si contexte 1, non si contexte 2. J'en ai déduis qu'il y a toujours une infinité de choix et qu'on ne peut de toute façon pas se contenter d'une seule option. Donc je donne un petit peu de tout à tout le monde, de cette manière, chacun y trouve son compte ou au moins une alternative favorable. C'est d'ailleurs pour cela que j'adore les mezzés libanais, les bibimbaps ou les menus découvertes indiens, tu peux goûter un peu à tout. Je n'ai jamais compris l'intérêt de se contenter d'un choix quand plusieurs sont disponibles.
Je ne sais même pas si je sais qui je suis vraiment. Je ne savais pas que je devais cesser de faire du calquage pour me protéger. Je ne savais pas qu'il s'agissait en réalité d'un mécanisme de défense. Il était tellement toujours activé que j'en oubliais de le désactiver pour entrer en introspection.
Il y avait Salma, cette fille classe que j'avais rencontrée. Ou encore Maïda ou Inès... mais un truc clochait toujours. Je ne parvenais pas à les prendre pour exemple car il y avait un décalage entre ce que j'aspirais à devenir et leur manière d'être. Mais qu'en est-il de ta personnalité me direz-vous ? Je n'en ai pas. Ma personnalité est un combo de celle des autres. J'apprends par essai-erreur.
J'ai toujours été incohérente et eu ce sentiment de berner les autres. J'ai aussi toujours été dans la fuite car lorsque l'attitude A ne correspond plus à la personne en face de moi, je fuis vers l'attitude de la personne B qui ne colle pas tout à fait avec les attentes de mon interlocuteur. Et puis de toute façon, tant pis me disais-je, elle n'a qu'à m'accepter telle que je suis. Telle que nous sommes ? C'est bizarre ce sentiment schizophrène. L'a-t-on tous en nous ou est-ce que mes camarades avaient raison lorsqu'ils me disaient étrange.
* Le tic-tac de l'horloge est insupportable, vous ne trouvez-pas**Tout est calculé mais je ne le savais pas. Je ne sais pas pourquoi j'agis de la sorte. Les seuls moments où j'ai eu l'impression d'être moi-même c'était enfant. Mais cela ne convenait à personne d'être moi. "Moi", je crois que c'était la Ayna douce, gentille, sensible, curieuse et naïve.
Non, non je devais devenir une autre sinon on pourrait profiter de cette vulnérabilité. Mais je me suis brûlée à vif car comme on dit il revient toujours au galop, le naturel.
Surtout quand ça va mal. Enfin je veux dire quand on fait confiance. Car on va mal quand on a fait confiance, ce qui veut dire déception et déception signifie souffrance.
Je ne veux plus souffrir. Ce n'est pas cool de souffrir, ce n'est pas fun c'est lourd à porter et moi je veux de la légèreté, parce que oui c'est sympa la légèreté. Ça donne envie de rire, sourire, donner, être gentil.J'ai appris à comprendre ce que moi je voulais mais je ne sais pas encore comment m'y prendre. C'est peut-être bien d'avoir franchi cette première étape non ?
J'aimerais donner l'image d'une femme propre sur elle, réservée et pudique.
Une femme pas trop sûre d'elle car cela m'a porté préjudice cette image trop confiante.
Élégante et distinguée qui sait tenir son foyer et qui s'assure que ses enfants ont une éducation au carré.J'ai perdu avec le temps mon optimisme et ce côté foufou qui me caractérisait, mais elle me convient cette sobriété, j'ai moins besoin de faire d'effort et j'ai appris à me moquer d'être appréciée.
Je veux garder mon ouverture d'esprit et mon esprit aventurier.Voilà, tout cela m'a épuisée, j'ai besoin de faire un truc plus cool que de rester là à rien faire et à refaire le monde dans ma tête. Un smoothie mangue ananas !!! C'est cool ça, un smoothie mangue ananas.
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Tribulations d'une zèbre musulmane
SpiritualTribulation d'une zèbre musulmane est une fiction qui retrace le cheminement spirituel d'une jeune femme cadre asperger, trentenaire vivant en région parisienne. Ayna est née en France de l'union d'un père français et d'une mère marocaine. Son dévou...