Tramway

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Tramway

Tramway, Tramway

Direction Palmer

Dans mes mains, des packs de lait,
une humeur massacrante, la nuit c'est mal placé il faudrait penser à déplacer cette vadrouille cette humus de citrouille.

L'espace est occupé d'une faune de ravagés,
D'apaches en manque d'égo, de bourgeois, de racistes, de noirs, de blancs, de rouges, de jaunes,
fatigués d'une journée à se déglinguer,
le cœur ouvert comme un robinet,
laissant leurs corpus saigner à tous les chapelets.

Des secrétaires, des étudiants, des ouvriers,
des femmes voilées, un prêtre et une bonne sœur.
Un cube, un triangle, un rond et un losange
ont des conversations inutiles de conservatoire en conserve
sous les soubresauts de l'instrument qui avance sous leurs pieds.

Un enfer s'est ouvert, laissant apparaître une femme à trois seins, des cerbères, et même une femme aux couettes de serpent.

Le monde est serré, entassé ; personne ne parle dans cette tombe qui avance comme un tombeau ouvert,
et même les sardines sont plus heureuses enfermées dans leur boîte, mortes dans leur cercueil de fer.

Quelle est ce monde aliénant, qui sont ces gens se déplaçant sans but et sans motif ?
Personne n'est obligé de monter dans le tramway, mais c'est du temps de gagné sur la vie.
Quand on y pense, à pied il y aurait tant à faire pour soi.
Mais je cours dans le tramway,
je suis serré entre le frotteur et le pare-brise et je reste immobile.

Mobile in mobilus, Aronnax avait du courage sous l'océan.
Je suis sous les rails, sous des égouts qui défilent sous nos yeux.

De nombreuses solutions s'offrent en attendant : s'ouvrir une bière ou lire un livre.
Nous sommes de cette journée,
encore une journée pour rien, sans espoir, à bosser comme un chien pour un prix dérisoire.

Je sais que je suis obligé
de prendre les transports volcan
mais je ne suis pas obligé de voler.

Rechercher l'évasion est le seul échappatoire,
rêver d'une anguille, rêver d'Emma Bovary dans sa calèche vibrante,
pour aller au marché, direction le troquet.

Mais je suis ma voix,
comme un conquérant,
comme un Magellan.
Je prends mon bateau,
sur des rails,
j'entends des rhinocéros
avec des sabres féroces,
je vois des vitrines atroces,
des images qui se grèvent
et se couchent sur la grève.

J'entends un cochon
qui rumine rondement.
Oh, tu le sais bien,
moi, c'est sans faim
que je veux manger
tes seins de lait
et te parler de couchers de soleil et d'aube rouge et noire.

Il y a une chose énorme
entre toi et moi,
un déblocage temporel.
Une place à libérer pour laisser les vieux se reposer.
La langue de béton défile
et je ne peux lui mentir.
Je me raccroche à la vitre,
sors d'ici, évade-toi.

Je suis chansonnier
d'utilité publique.
Je suis Amérique,
dans le sens pauvre, terne.
J'achève de faire un rêve
sur la couette du dehors.
Je sors de ton sentier battu,
dans un rêve, enfin ton rêve,
qui n'est plus le même.

Les immeubles sont desséchés,
pleins de gaz et de geais,
les geais sont par terre,
prêts à être écrasés.

Tramway pétrolifère,
j'en ai que faire.
Sortez les petits rôdeurs,
sortez les radiateurs.

Poésie sans histoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant