MARCELLE

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Larbey, c'est plus pareil
Est-ce qu'un jour ça l'a été ?
Mais là, on arrive en bout de course.
Marcelle est partie pour un autre monde,
Elle doit être en train de donner son obole au passeur.

J'ai ressorti la guitare pour déranger personne,
Je joue sous le prunus.
Un oiseau est tombé du nid,
Mais aujourd'hui on ne le ramasse plus.
Plus de temps pour la compassion,
On est devenus des lions,
Chassant la gazelle.

On est des documentalistes,
Regardant la nature se dérouler,
Devant des yeux observateurs.
On n'est plus d'accord sur rien.
Mais c'est aujourd'hui,
Le jour de l'effondrement, qu'il faut avancer,
Laisser nos certitudes sur le palier.

On ne sait rien, disait Gabin.
Alors je déchiffre le terrain,
Je creuse à mains nues.
Parfois j'ai une bêche, avec un manche :
Une branche de mûrier.

Je creuse juste pour creuser,
Pour me fatiguer.
J'écris pour écrire,
Je réécris pour supprimer toute définition
De ce que je suis,
Pour éviter toute exposition,
Toute protection.

Comme un saut élastique,
Sans élastique,
Sans parachute.
Le pont de l'Artuby,
Le vide.

C'est sinistre quand il pleut.
C'est beau, la pluie sur tes cheveux,
C'est bon quand ça coule sur tes yeux.
C'est joli, les flaques : un peu de répit,
Dans la douleur qui m'enserre, dans ma tête,
Dans mon corps, dans mon esprit.

Finalement moi aussi, je vais sans arrêt à la ligne,
Sans lien apparent avec la pensée d'avant.

C'est plus pareil à Larbey.
C'est vrai, c'est toujours le même soleil,
Toujours le même réveil,
Le chant des hirondelles,
Le roucoulement des tourterelles,
Le bourdonnement des abeilles.

Mais il n'y a plus Marcelle,
Sans son sourire de merveille,
Ses mains ouvertes,
Ses yeux bleu-vert,
Son tablier vermeil.



Edgar Degas - Danseuses s'exerçant à la barre, 1877

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