Chapitre 1 « Le fruit d'une capote percé »

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BONNE LECTURE :)

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BONNE LECTURE :)


J'ai grandi à San Francisco, en Californie du Nord. J'adore ma ville, ses collines, ses rues sinueuses et ses vues spectaculaires sur l'océan Pacifique. À chaque coin de rue, il y a quelque chose de nouveau à découvrir. Mon passe-temps favori ? Me promener le long de la plage, laisser mes pieds s'enfoncer dans le sable et écouter le son des vagues se briser contre les rochers. Ajouter à cela une vie de famille heureuse avec maman et papa. Et puis un jour, les choses changent. À l'âge de cinq ans, assise sur le vieux canapé en cuir marron du salon, mes jouets éparpillés autour de moi, ma mère est venue me parler. Elle avait l'air un peu triste, ça m'a tout de suite inquiétée. Et j'avais de quoi. Elle s'est assise à côté de moi, et j'ai vu dans ses yeux qu'un truc clochait. Maman m'a expliqué que mes grands-parents maternels allaient maintenant s'occuper de moi pendant un certain temps. Je ne comprenais pas tout, mais je sentais que c'était sérieux. Mon cœur s'est serré et j'ai eu une boule dans la gorge. C'était comme si, d'un coup, le monde que je connaissais basculait. Mon petit monde parfait s'effondrait, et je ne savais pas quoi faire. J'ai juste voulu qu'on reste tous ensemble, comme avant. Ça m'a terrifiée. Au fil du temps, j'ai compris qu'ils ne reviendraient pas. Apparemment, ils avaient besoin d'aventures, de vivres des expériences uniques et ç'aurait été trop galère de m'avoir dans les pattes. Après leur départ, ils me téléphonaient toutes les semaines. Puis une fois par mois. Le temps passait, et je m'habituais à cette distance, à cette voix dans le combiné qui me rappelait que j'étais seule. Par la suite, ça s'est réduit à une ou deux fois par an. Franchement, à ce stade, j'ai arrêté de compter. Au début, j'étais triste, perdue. Je passais mes journées à me demander ce que j'avais fait de mal, pourquoi ils m'avaient laissée. Petit à petit, j'ai fini par accepter. Les soirées où je pleurais dans mon lit, les jours où je rêvais qu'ils allaient revenir, tout ça m'a rendue plus résiliente. Aujourd'hui, je ne vais pas dire que ça ne me fait plus rien, mais disons que j'ai appris à vivre avec. La colère s'est insinuée doucement en moi quand j'ai su la vérité. Un poison lent qui ronge de l'intérieur. La vérité, c'est que je suis juste le résultat d'une erreur de parcours, d'un accident. Je suis là parce qu'ils ont merdé quelque part. Je suis le fruit d'une capote percée. J'ai mesuré la lâcheté de mes parents lorsqu'ils ont chargé ma grand-mère d'être la messagère. Je me rappelle encore trop bien le visage de ma mamie, tordu par l'amertume et la douleur, de ces mots qui glissent de ses lèvres. J'avais 13 ans. À cet instant, j'ai senti la rage monter en moi. Une rage sourde, brûlante. J'avais envie de crier, de tout casser. Mes grands-parents, eux, ne méritaient pas ça. Ils ont toujours été là pour moi, toujours à me soutenir, à m'aimer inconditionnellement. Et voilà que mes parents leur balançaient cette vérité cruelle, leur demandant de porter ce poids. Ma douleur personnelle est passée au second plan. J'ai vu ma grand-mère souffrir en me disant ces mots, et ça m'a déchiré le cœur. J'ai ressenti une haine profonde pour mes parents. À partir de ce jour-là, j'ai juré de ne plus jamais leur pardonner. La colère était devenue ma compagne, une amie fidèle qui ne me quittera jamais. À l'école, pendant que mes camarades se donnaient à fond pour rendre leurs parents fiers, moi, je luttais juste pour trouver un sens à mon existence. J'étais jalouse de les voir aux réunions parents/prof, pour les anniversaires et les événements importants. Moi, je vis sans avoir demandé à venir au monde et sans avoir été désirée. Voilà ma normalité, mon royaume. La colère en guise de couronne. Mais à force de lutter contre ce sentiment, j'ai fini par comprendre que je n'avais aucun contrôle sur la situation, alors j'ai fini par m'en foutre. Les appels téléphoniques pour prendre de mes nouvelles, c'était juste pour la forme. Une manière de se donner bonne conscience, de se dire qu'ils faisaient le minimum syndical. Des mots vides, des phrases sans âme. Ça fait trois ans que je n'ai eu aucune nouvelle d'eux. Trois ans de silence total. Je ne cherche pas à savoir ce qu'ils deviennent, et je ne veux pas le savoir. Ils ont décidé de m'effacer de leur vie, alors j'ai fini par faire de même. La douleur de l'abandon est toujours là, tapie au fond de moi. Parfois, elle remonte à la surface, comme une vieille blessure qui ne guérit jamais. Mais j'ai appris à la gérer, à ne plus la laisser me dévorer. J'ai transformé la douleur en force, la colère en détermination. Je me suis promis de ne jamais laisser leur absence définir qui je suis. J'ai donc vécu dans une charmante petite maison victorienne, avec son charme désuet et ses couleurs douces. Un grand jardin fleuri, entretenu d'une main de maître par ma mamie Evelyn. L'allée pavée mène à un vieux portail en fer forgé qui grince chaque fois qu'on l'ouvre. Comme dit mon grand-père, ça dissuade les voleurs. Je suis assez sceptique sur sa façon de considérer la chose. Un peu d'élan, une grande enjambée plus tard et te voilà de l'autre côté. Tester et approuver. Comme tous les ados, j'ai déjà fait le mur plus d'une fois alors que j'étais interdit de sortie. C'est arrivé très peu, cela dit, mais ça alimentait mon curriculum vitae d'enfant rebelle. Même avec tout leur amour, il y a des moments où je me sentais étouffée par l'absence de mes géniteurs. J'avais parfois besoin de cette liberté, d'une échappatoire. Maintenant, j'ai 19 ans et mon côté Bad girl n'a pas disparu. Bien au contraire. Je suis une jeune femme qui sait ce qu'elle veut. Un peu badass sur les bords. Pas du genre à me laisser marcher sur les pieds. Bref. Aujourd'hui est un grand jour. Je pars pour Los Angeles. UCLA m'appelle, m'attend. La rentrée n'est que dans trois jours, mais j'ai mille choses à organiser une fois sur place, donc je préfère m'y prendre à l'avance. Et pour être honnête, je trépigne d'impatience à l'idée de partir. J'ai vécu des moments inoubliables ici, mais il y a aussi eu les pires, ceux qui me hantent encore la nuit. Je repense à toutes ces ombres qui planent sur mon passé, ces souvenirs douloureux qui ne veulent pas me laisser tranquille. Des visages que je ne veux plus jamais voir. Un en particulier. Celui qui a causé tant de souffrance, tant de peine. Celui que je préfère oublier, mais qui reste gravé, comme une cicatrice, ineffaçable.

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