Chapitre 13 « En binôme »

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La soirée avait pourtant si bien commencé. Le genre de soirée où tout s'alignait parfaitement : pote, bières fraîches et jeux vidéo. Mais ça, c'était avant que Solyne, avec sa bougeotte habituelle, nous entraîne vers le « Sunset Bistro », là où sa meilleure amie travaille. Quand Chris pousse la porte du restaurant, mes yeux se plantent droit sur elle. Je n'ai rien décidé, mon regard à son propre GPS et à décider de tracer un itinéraire direct vers Leïla. Elle virevolte entre les tables, ses cheveux relevés par une pince rouge. Elle porte une chemise à manches longues, le logo du restaurant brodé sur la poitrine. Les contours de ses hanches, marqués par sa jupe crayon, dessinent des lignes que je n'arrive pas à ignorer, déclenchant une douleur aiguisée, en plein cœur. L'ensemble se moule parfaitement à sa silhouette. Je n'aurais pas dû venir. J'essaie de me concentrer sur autre chose, mais je n'y arrive pas. Mon regard se balade sur son visage rond que je connais par cœur. De ses yeux clairs entourés de cils infinis qui flirtent avec la lumière. De ses lèvres, roses et pleines. Une invitation au péché. Je me perds dans ses traits, dans ses expressions. Elle discute avec un grand blond tout droit descendu d'Asgard. Leurs complicités crèvent les yeux. Il embrasse brièvement la tempe de Leïla et mon cœur se met à faire des vrilles bizarres, voulant sortir de ma poitrine et s'écraser au sol. Putain, c'est quoi ce bordel ?

_ Leïlou ! s'exclame Solyne.

Leïla lève vivement la tête dans notre direction en entendant son nom. Son visage s'illumine d'un sourire tellement radieux que ça me brûle presque les yeux.

_ Hey ! Lance Leïla en nous voyant. Je finis mon service et je vous retrouve après, conclut-elle.

Je détourne le regard, histoire de ne pas me torturer davantage. Je me concentre sur autre chose, je regarde autour de moi. Coup dur : je tombe nez à nez avec Max, le mec avec qui elle a dansé l'autre soir. Il est planté comme un poteau, les yeux fixés sur Leïla. Il la contemple comme si elle était la huitième merveille du monde. Merde, tous les mecs du coin ont décidé de se lancer dans la conquête de Leïla ou c'est comment. Je râle intérieurement. J'étais là avant. Mais qu'est-ce que je raconte? Puis, dans un accès de folie, je lâche une phrase à la con.

_ Ah, trésor, tu m'as manqué.

Les mots quittent ma bouche et je me rends compte trop tard de l'absurdité de ce que je viens de dire. Leïla me lance un regard assassin. Elle rêve de me réduire en cendre et de me découper en morceaux. À deux doigts de m'arracher la tête. Voilà une scène habituelle entre nous : elle en a marre de moi, et moi, je perturbe son univers. Son collègue éclate de rire et Max se casse enfin. Un de moins à gérer. Mais ferme ta gueule, Davis.

_ Bravo, c'était franchement très subtil, me balance Leïla, excéder.

Je scanne son attitude. Leïla ne se retient pas de dire ce qu'elle pense. Chaque syllabe est une gifle, chaque phrase une claque. Sa colère sort, brute et tranchante. Mais ce qu'elle ne réalise pas, c'est que ses yeux crient encore plus fort que sa voix, traduisant une myriade de sentiments. Je vois l'ombre qui se cache sous ses paupières, la lueur sombre qui danse autour de ses pupilles. Il y a quelque chose de tragique et de déchirant dans ce regard, une profondeur qui dépasse tout ce que je peux imaginer. Ses yeux sont hantés par une mélancolie.

_ Bah, quoi ? Je feins l'innocence. Je ne le sentais pas de toute façon, j'ajoute en essayant de sauver ma peau.

C'est la vérité. Ce mec est un connard connu pour fournir de la drogue à la majorité des soirées étudiantes. Les rumeurs disent aussi qu'il met de la kétamine dans les verres des filles pour les violer. Rien que d'y penser, ça me fout la gerbe. Chris interrompt mes pensées et nous entraîne avec Solyne vers une table près de la fenêtre. J'essaie de me concentrer sur le décor un brin démodé, mais mon esprit reste coincé sur l'image de Leïla avec son collègue. Et je me demande encore ce que Max foutait là. Je me concentre sur les lampes en verre qui surplombent les tables en bois sombre recouvertes de nappes blanches. Les rideaux verts laissent entrevoir un coin de la rue animée. Sur les poutres apparentes et les étagères derrière le bar garnies de bouteilles qui achèvent le look rustique du lieu. Je lutte pour recentrer mon attention sur Chris et Solyne, qui commencent à me raconter leur rencontre il y a plus de dix ans sur les bancs de l'école. Je fais de mon mieux pour écouter.

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