Chapitre 32 « Je suis fatiguée. »

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Ça fait trois jours que je jongle entre l'hôpital et ma maison. Entre soutenir et aider mon grand-père, puis rester au chevet de ma grand-mère. Dans tout ça, j'ai ignoré les appels de Jordan et rassuré Chris et Solyne. Je crois que mon grand-père a prévenu ma mère, mais je ne suis pas convaincue qu'elle se déplacera pour autant. Même s'il s'agit de sa propre mère. J'ai vite compris que pour ce qui était de la famille, ce n'était pas dans ses priorités. Autant dans son rôle maternel que d'enfant, ma génitrice aura définitivement tout foiré. Je me demande même pourquoi mes grands-parents se fatiguent encore à leur donner des nouvelles. Ils doivent espérer un miracle, mais moi, j'ai arrêté. Je suis en colère de voir que ma mère est incapable d'être présente dans les moments critiques. Ni dans les bons, soyons honnêtes. Qu'elle ignore chaque étape de ma vie, je me suis faite à l'idée et dans un sens, tant mieux. Bref, elle est inutile en tout point. Je cours partout, et le soir, je m'écroule direct, trop épuisé pour réfléchir. Point positif, parce qu'il en faut bien un, je n'ai pas le temps de m'apitoyer sur mon sort. Si je commence à cogiter, c'est foutu. Je m'enfoncerai dans un puits sans fond, à ressasser tout ce qui va de travers.

Mon grand-père raccroche et me fixe, contrarié. Au point que je commence à me demander si je n'ai pas fait une connerie. Chris a prévenu Miss Miller de mon absence et apparemment Jordan prend mes cours. Une information que je juge inutile puisque ça ne change rien au connard qu'il est. Donc, il ne s'agit pas de l'université.

_ Evelyn ne sortira pas de l'hôpital avant la semaine prochaine, m'annonce-t-il, la mine grave. Elle a pas mal d'examens à passer pour voir si elle ne gardera pas de séquelles et d'autres blablas que j'ai à moitié compris.

Je ris sous cape. Il est complètement dépassé par tous les termes médicaux qu'il ingurgite depuis plusieurs jours.

_ Je resterai jusqu'à ce qu'elle sorte, alors.

Je ne me sens pas de retourner à LA, pour l'instant. Même si ma grand-mère est en quelque sorte tirée d'affaire.

_ Crois-moi, ma fille, que tu vas y retourner ! Et ta grand-mère sera de mon avis.

Je m'affale lourdement sur le canapé en cuir, en lâchant un soupir bruyant, comme si tout le poids du monde pesait sur mes épaules. Ce canapé a toujours été témoin de nos moments en famille, mais aujourd'hui, il me semble plus inconfortable que d'habitude.

_ Si je ne te connaissais pas, je pourrais penser que tu boudes comme une enfant. Qu'est-ce qui se passe, Leïla ? Me demande-t-il en s'installant dans son vieux rocking-chair en bois massif qui grince au moindre mouvement qu'il fait.

Et je réponds quoi moi ? Que l'amour m'a fait un croche-pied monumental et que je suis tombée amoureuse. Et que ça fait un mal de chien.

_ Les cours m'épuisent beaucoup et j'ai sûrement un peu le mal du pays, je mens.

Mon grand-père plisse les yeux. Je comprends qu'il ne gobe pas une seconde de ce que je raconte.

_ À d'autres, Sanchez. Crache le morceau, m'ordonne-t-il.

Voilà d'où je tiens mon caractère de merde. Je suis sa version féminine, avec pas mal d'années en moins et quelques conneries en plus. Je sens mes défenses s'effriter sous son regard. Il sait qu'il a déjà gagné, qu'il suffit de quelques secondes pour que je craque.

_ À cause d'un homme, je marmonne. Depuis la rentrée, lui et moi, on se déteste. Enfin, c'était comme ça au début. Mais les choses ont un peu évolué.

_ Et ? insiste-t-il, m'encourageant à continuer.

Je serre les dents, la colère refait surface.

_ Et il a merdé, je crache, la gorge serrée.

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