Légende du monde perdu [TOME 2]

Chapitre 31 : Ignatiusa

Plus les lettres défilaient devant ses yeux, plus elles brûlaient de colère. Ignatiusa feuilletait le livre, d'un parchemin à l'autre, comme si elle cherchait des réponses depuis longtemps perdues. Une génération d'Eldarian après l'autre consacrait sa vie à restaurer l'ancien nom de Casterin, sans jamais y parvenir. À chaque nouveau rouleau, se déployait devant elle le récit de leur lutte et de leur désespoir, chaque mot lui brûlait l’esprit comme du fer rouge.

La dynastie des Kaminyan, impitoyable et avide, poursuivait son parcours sanglant, tuant et asservissant des êtres vivants, animal et végétale et même la trace de l'eau cristal tout juste pour renforcer leur domination et étendre leur empire. Ils ne laissaient aucune place au passé, détruisant non seulement des vies, mais aussi leur héritage, leur mémoire.

Sous les cieux sombres d’un royaume oppressé,
J’ai forgé un destin, d’un métal embrasé.
Ce poignard dans ma main, symbole du futur,
Fut né de mes colères, taillé dans l’azur.

Chaque coup sur l’enclume résonnait en secret,
Comme l’écho d’un peuple aux espoirs étouffés.
Je voyais dans la flamme le souffle du combat,
Un jour viendrait enfin où tout s’effondrerait.

« Kaminyan, tes jours de tyrannie s’achèvent,
Le sang de tes rois ne saura plus me faire trêve.
Mon dague est l’éclat qui fend les vieilles chaînes,
Et ton trône, bientôt, succombera à ma peine. »

À mes côtés, un frère, mon ami, mon reflet,
Marchait sous la bannière de notre liberté.
Je croyais en lui, en sa force, en son cœur,
Mais dans l’ombre, il nourrissait une sombre lueur.

Tektonnora, traître, tu m’as tourné le dos,
Pour une couronne d’or, tu as vendu tes mots.
Mais tu n’as pas pris mon dague, tu n’as pas eu ce droit,
Car ce symbole, jamais, ne tombera sous toi.

Toi, tu es devenu le roi d’un nouveau règne,
Sous tes pieds, le peuple est enchaîné par ta haine.
Mais moi, je reste libre, ma dague dans la main,
Et j’attends le moment, caché dans le lointain.

Cette lame que j’ai faite est plus que de l’acier,
Elle porte nos rêves, elle fait trembler les palais.
Je jure par elle, et par ce ciel obscurci,
Qu’un jour, Tektonnora, je reviendrai ici.

Ton règne ne durera pas, tu le sais au fond,
Car la révolution n’a besoin de couronne ni nom.
Le poignard que je tiens ne me quittera jamais,
Et quand je frapperai, ton empire disparaîtra à jamais.

Les dents serrées, Ignatiusa referma brusquement le livre, ses doigts légèrement tremblants sous l’effet d’une colère qu’elle ne pouvait plus contenir. Sachant que la dynastie de Tektonnora a gardé son trône à ses jours, sachant que tous les prochaines révolutions étaient échoué et Casterin portait toujours le nom du royaume mort pour le monde.

"- Alors ?" demanda Arlan, sans lever les yeux de sa toile, concentré sur les coups de pinceau qu'il appliquait soigneusement, mélangeant les teintes sur sa palette.

"- Eugène Eldarian a échoué," répondit-elle, la voix tendue. "Il a été trahi par son meilleur ami, Soular Tektonnora."

"- Tu ne le savais pas ?" demanda Arlan d'un ton curieux, continuant à mélanger ses couleurs sans vraiment se soucier de sa réponse immédiate.