Légende du monde perdu [TOME 2]

Chapitre 25 : Ignatiusa

Lyulph s'arrêta si brusquement qu'il faillit tomber.  Sa fourrure se dressait, son pelage lisse ressemblait soudain à mille couteaux et son dos ressemblait à une arcade de l'architecture vénitienne.  En approchant de son visage, on pouvait voir comment son long nez était fortement ridé, ses oreilles s'étalaient et ne dépassaient plus sur le dessus de sa tête comme des petits toits, ses yeux menaçants étaient si ouverts comme jamais auparavant qu'ils faillirent tomber et ses longs crocs derrière lesquels sa langue vibrait et rendait un grognement menaçant.

"- Tchh, calme toi." dit-elle en caressant sa tête.  Des voix féroces mais humaines résonnaient à travers les tumultes des cheminées.

"- Viens par là." chuchota Ignatiusa en pointant vers la montée raide dans le fourré de la forêt enneigé. Pour Lyulph, l'ascension ne posait aucun problème. Ses puissantes bras d'avant, semblables à des colonnes, s'enfonçaient fermement dans la neige, tandis que ses membres d'arrière, le propulsaient en avant avec une force et une agilité remarquables.

Ignatiusa, quant à elle, n'avait pas cette facilité. Elle essaya d'imiter la technique du loup en s'accrochant aux arbres, utilisant leurs troncs comme appui pour pousser de toutes ses forces avec ses jambes. Chaque pas était un effort, chaque mouvement une lutte contre la pente et la neige profonde qui semblait vouloir la retenir.

Les voix étaient de plus en plus proches, il n'y avait ni une ni deux ni trois et même pas dix, ils étaient plus de cent. Une voix qui criait de tout la gorge et les autres essoufflement épuisants. Leurs tons, agressifs et perçants, faisaient écho à travers la vallée enneigée, se mêlant au vent froid qui sifflait à travers les arbres dénudés.

Comme la pâte échappée se dirigeait le groupe de chair à canon, vêtu d'uniformes vert foncé et brodés d'or, symbole du royaume, de la lampe, du royaume de l'innovation. Des machines impitoyables sous forme humaine sans rien de noble.  Tuer sans même savoir pourquoi, exécuter les ordres de quelqu'un qui ne voulait pas se salir les mains avec du sang, et même si leurs commandants parlaient de gloire et de devoir, mais derrière chaque mort il n'y avait que l'avidité, la soif de pouvoir et la peur.  Aveugles mais de leur plein gré, ils se sont suicidés et s'en sont pris aux autres.  Des hommes et des femmes portaient d'énormes fusils et des caisses contenant des missiles et se penchaient, souffraient, restaient à peine en vie, et il fallait que cela se passe ainsi. Et c'était dommage que leur commandant de régiment se promenait comme ça avec la tête levée, mais oh, comment Ignatiusa voulait venir et l'étrangler à mains nues, peut-être qu'au moins de cette façon il comprendrait ce qui se passait, ou du moins il mourrait comme tous ceux qu'il a tués. Et quel désastre que, malgré sa fatigue de fin de journée et la colère qui régnait, elle n'ait pu mettre qu'un peu plus de la moitié du régiment militaire.

"- Reste ici !" ordonna t'elle à Lyulph.

À la toute fin, il y avait une jeune femme avec un regard dont on n'aurait jamais pensé qu'elle avait vendu son âme pour devenir un assassin, même si non, les assassins au moins ne se cachaient pas derrière une couronne.  Lui jetant un morceau de neige, Ignatiusa la regarda simplement dans les yeux et lui fit signe de la main pour qu'elle vienne.  Cela semblait peut-être un peu étrange, mais créer l'illusion d'une pauvre fille était la chose la plus raisonnable à faire.  Par naïveté, la militaire s'est approchée du sapin  derrière lequel un pistolet l'attendait à la tempe dans les mêmes minutes.

" - N-ne tirer pas, s'il vous plaît." Sa voix était tremblante et suppliante.

Ses yeux rencontrèrent le regard incroyablement amer d'Ignatiusa, même si elle ne le voyait pas personnellement, elle sentait ses paupières se soulever et ses sourcils presque se heurter, elle ne ressentait pas une telle tension sur la partie supérieure de son visage même lorsque quelqu'un osait lui manquer de respect. La jeune fille pressa l'arme à son cou.