Amara

Chapitre 22

PDV AMARA

Depuis que je connaissais Zoé, donc depuis l'école primaire, nous ne nous étions jamais quittées. Je connaissais tout d'elle, et elle de moi. C'était comme ces amitiés où tout était évident dès la première seconde. Le temps nous avait parfois un peu éloignées, mais jamais séparées. On était ce genre d'amies à savoir qu'on pouvait compter l'une sur l'autre à chaque moment, chaque instant. Un signal, et on débarquait par n'importe quel moyen. Je ne compte plus le nombre de fois où, si elle n'avait pas été là, j'aurai sombré très profondément dans le néant. Elle était cette personne qui passera toujours avant tout le monde, cette relation tellement exceptionnelle qu'on se demandait parfois si elle était réelle. Une âme soeur amicale.

Au vu de ce que m'avait dit Louis, c'était un cas de force majeure : trahison, peine amoureuse. J'employai donc les grands moyens. Je conduisis jusqu'au Mcdo le plus proche, et y récupérai la plus grande boîte de nuggets possible. Le prix était indécent, mais je serrai les dents : il fallait le tout pour le tout. Mon pauvre compte en banque d'étudiante pleura un coup, puis je pris la direction de la deuxième étape incontournable : le milkshake vanille supplément myrtille. Alias la meilleure création de l'humain sur Terre après les burgers. Mon attirail prêt, je me mis en route pour aller chez elle.

Elle habitait à cinq petites minutes en voiture de là, ce qui était vraiment pratique. J'arrivais, et deux secondes plus tard j'étais devant la porte de son bâtiment. Je l'harcelai jusqu'à ce qu'elle me réponde, et elle finit par m'ouvrir.

- Zoé ! m'écriai-je quand elle me laissa rentrer dans son appartement.

Elle avait les yeux tout gonflés, et des cernes violacées juste dessous.

- Que me vaut cet honneur ? dit-elle d'une voix fatiguée et monotone.

- Je suis désolée, j'ai été une très mauvaise amie, répondis-je, couverte de honte. Mais je sais comment me rattraper.

Lorsqu'elle vit les nuggets, une étincelle se mit à briller dans son regard. Elle était comme les hommes : pour la séduire, il fallait parler à son estomac.

- D'abord, on va parler du sujet qui fâche.

Elle grogna et fronça les sourcils en croisant les bras sur sa poitrine.

- Attends mais d'ailleurs... Depuis quand tu t'es pas douchée ?

Elle explosa de rire en couvrant son visage. C'était notre truc, quand l'une de nous deux n'allait pas bien, on disait un truc de merde.

- Bon d'accord, mais d'ailleurs, comment tu as su ?

- Pour la douche ? gloussai-je.

Elle rigola de nouveau.

- Mais non, pour Louis.

Enfin, elle allait se confier. Elle avait du mal à se laisser aller à parler de ses problèmes. Une fois, elle m'a fait à moitié la tête pendant deux semaines car elle n'arrivait pas à me dire qu'elle m'en voulait d'avoir mangé la dernière part de pizza.

Alors, je lui racontai notre discussion, ce qu'il m'avait dit à son propos, et elle ouvrit de grands yeux quand je mentionnai ses sentiments à son égard. Sa peau parsemée de tâches de rousseur devint toute rouge, et elle dit, d'une voix toute gênée :

- Il a vraiment dit qu'il était amoureux de moi ? Et que j'étais la femme de sa vie ?

J'hochai la tête en dévorant un nugget. Cela ne lui échappa pas, puisqu'elle se jeta littéralement sur moi pour en avoir un. Cette fille était cannibale.

- T'aurai du voir sa tête... Il était tellement triste ! Tu ne veux pas au moins lui laisser la chance de discuter avec toi ?

Elle sembla peser le pour et le contre dans sa tête tout en machant avec vigueur. Une fois qu'elle eut avalé, elle dit, pensive :