Le secret de Camille 2

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Les talons de Camille claquaient sur le sol pavé alors qu’elle et Ndi go'o s’élançaient à travers la foule. Elles s'étaient  faufilées parmi les passants qui se pressaient autour du musicien. Ndi go'o, tenant fermement la main de Camille, zigzaguait entre les spectateurs, jetant des coups d'œil furtifs derrière elles. Le vieil homme les suivait de près, son regard perçant, fendu par la colère. Il était sacrément endurant pour un homme qui avait environ la cinquantaine.

La musique du guitariste continuait de résonner dans la nuit, couvrant par moments le bruit de leur fuite.  Ndi go'o percevait l’énergie de la foule comme un bouclier, quelque chose pour dissimuler leur fuite. Mais elle savait que leur chance ne durerait pas éternellement.

Elles débouchèrent dans une petite ruelle étroite, bordée de vieilles bâtisses délabrées dont les fenêtres semblaient les observer dans l’ombre. Camille, essoufflée, ralentit, mais Ndi go'o l’incita à continuer.

— Encore un petit effort, murmura-t-elle. Il faut qu’on mette le plus de distance possible entre lui et nous.

Camille acquiesça faiblement, les yeux remplis de peur. Jamais elle n’aurait imaginé fuir ainsi. Ou plutôt, elle n’avait jamais envisagé de s’échapper de ce destin. Si Ndi Go'o n’était pas apparue soudainement derrière l’encadrement de la porte, cette idée ne lui aurait probablement jamais traversé l’esprit. Et même si cela avait été le cas, elle aurait sans doute été trop peureuse pour agir.

Elle observa Ndi Go'o discrètement, se demandant où cette dernière puisait son courage. Comme toujours, elle ne pouvait qu’envier cette audace, incapable de faire pareil.

Elles avancèrent dans l’obscurité d'une ruelle jusqu’à atteindre un croisement qui les mena dans un quartier plus désert. Ndi Go'o s’arrêta enfin, essuya la sueur de son front et observa les environs avec prudence. Elle connaissait bien ce quartier. Sa famille et elle avaient erré dans ce trou perdu pendant une bonne dizaine de jours quand Lucrecia les avait mises à la porte des Damford. Certains souvenirs lui revinrent en mémoire, et elle frissonna. Jamais elle ne s'était imaginée revenir ici.

— Où allons-nous ? demanda Camille à voix basse.

Ndi go'o réfléchit un instant. Son regard balaya les alentours, à la recherche d’une cachette ou d’un moyen d'échapper à leur poursuivant.

— Il nous faut un endroit où il ne pensera pas à nous chercher... Un lieu où on peut trouver de l’aide, répondit-elle finalement, reprenant son souffle.

— Mais où ? demanda Camille. Je ne peux pas retourner chez ma mère. Elle me ramènera à cet homme. Et je n'ai personne d'autre ici qu'elle.

— Je connais un endroit… Ce n’est pas luxueux, mais ça fera l'affaire pour. On doit rester discrètes et s’éloigner d’ici le plus vite possible.

Camille hocha la tête, déterminée, bien que la fatigue alourdissait ses mouvements. Ndi go'o jeta un dernier regard dans la direction de là où elles venaient, vérifiant que le vieil homme ne les avait pas suivies jusque-là. Personne.

Elles reprirent leur marche à travers les ruelles sombres et sinueuses de la ville, essayant de se fondre dans les ombres, conscientes que leur silence était leur meilleur allié.

Soudain, des pas lourds et rapides résonnèrent derrière elles. Ndi go'o tendit l'oreille. Le rythme des pas lui fit comprendre qu'ils étaient plusieurs. Leur situation s’aggravait.  Étaient-ils plusieurs à les poursuivre maintenant ?

Sans plus attendre, Ndi go'o serra la main de Camille et, dans un élan désespéré, l’entraîna vers une petite porte en bois entrebâillée, nichée entre deux bâtiments. Elles s’engouffrèrent dans le passage sombre, refermant précautionneusement la porte derrière elles.

La peau noire Où les histoires vivent. Découvrez maintenant