Sous les Toits de Chanel

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Il était à peine 7h30, et Ndi Go'o se tenait déjà devant les portes de la maison Chanel, son cœur battant d'excitation.

La journée promettait d'être unique, et le petit mot de Mano glissé devant sa porte ce matin ajoutait un plus à ce matin heureux. “Bon courage, ma chère Indigo !”, avec un cœur esquissé maladroitement, l’avait touchée bien plus qu’elle ne voulait l’admettre.

En franchissant les portes, une confiance nouvelle l'habitait. Elle savait que l’endroit était chargé de prestige, mais déjà, elle s’y sentait presque à sa place. Elle salua la réceptionniste d’un geste amical. Celle-ci, sans lever les yeux, désigna la salle d’attente du bout du doigt, un peu plus sèchement qu’hier, comme si sa présence trop matinale était une faute.

Installée dans la salle d’attente, Ndi Go’o sortit son carnet, espérant faire un croquis pour se détendre en attendant l'arrivée de Chanel. Pourtant, l'inspiration tardait. Son esprit dériva vers cet homme qu'elle avait vu hier– sa peau aussi sombre que la sienne, son allure qui dégageait une assurance tranquille. Peu à peu, son crayon esquissa sa silhouette, capturant un style et une élégance brute.

Ndi Go’o, absorbée dans son croquis, laissait les images de la veille envahir ses pensées.

Elle revoyait Camille et leur folle course pour échapper à ce vieil homme – une folie, oui, mais pour la bonne cause. Enfin, elle l'espérait. Elle avait conseillé à Camille de rester cachée chez elle quelques jours, le temps que tout se calme. Toute la nuit, elles avaient discuté, et Camille lui avait tout confié.

L’homme en question, Michael Stoeffel, n’était pas un simple inconnu. Il dirigeait les industries Stoeffel, une entreprise anglaise spécialisée dans le matériel électronique. Lors d’un rendez-vous arrangé dans un café, il lui avait offert un étrange gadget, semblable à un petit talkie-walkie, compact et doté d’un micro intégré.

Sa mère, Lonra, avait arrangé ce séjour avec l’homme d’affaires, espérant que Camille attirerait son attention, mais les choses ne s’étaient pas déroulées comme prévu. Camille lui avait raconté comment, déçue, sa mère l’avait privée de repas, furieuse que Stoeffel n’ait pas montré plus d’intérêt.

« Tu n’es pas assez jolie pour un homme comme lui », lui avait dit sa mère. « Et avec ta poitrine si plate, il te prendra pour un garçon. » Pour Camille, c’était la dure réalité de grandir sous les attentes intransigeantes de Lonra, surtout depuis la disparition de son père. Un jour, il était parti travailler à son cabinet médical et n’était jamais revenu, laissant sa famille engloutie par les dettes. Depuis ce jour, Lonra n'était plus la même, et Camille n'avait jamais trouvé la force de lui désobéir. Elle ne voulait pas rester seule, et sa mère restait, malgré tout, sa seule famille dans ce monde. Elle n'avait ni oncle, ni tante, ni cousin auxquels se raccrocher. Au moindre faux pas, elle savait que sa mère n'hésiterait pas à la mettre à la porte.

Perdue dans ses pensées, Ndi Go’o sursauta en entendant une voix  murmurer près de son oreille.

— Ton dessin est joli,  dit l’inconnu.

Elle releva les yeux et découvrit le musicien de la veille. Il était vêtu d’un gilet brodé aux motifs qui ne lui étaient pas familier et d’une chemise ample. Ses cheveux bruns étaient tirés en une longue queue de cheval.

— Je peux voir ?  demanda-t-il avec un accent prononcé et un léger roulement de “r".

Avant qu’elle ne réagisse, il s’empara doucement de son carnet.

Elle l’observait avec curiosité.

Qui était donc cet homme si différent, si beau dans son étrangeté ? Venait-il d’un autre pays ? Soudain, une pensée réchauffa son cœur : il existait des êtres humains si variés et mystérieux. Elle sentait déjà grandir en elle le désir de découvrir le reste du monde.

La peau noire Où les histoires vivent. Découvrez maintenant