La commande

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     La journée battait son plein au Boucarré.
     Elle était rythmée par des rendez-vous avec des clients exigeants, des consultations sur les choix de tissus, et la coordination avec les ateliers pour des retouches de dernière minute.

     Les clients allaient et venaient, certains pour acheter des articles qu’ils avaient repérés la veille, d’autres pour découvrir les nouveautés. Ndi go'o gérait les ventes, organisait les rayons et entretenait une conversation amicale avec les habitués. Tout semblait sous contrôle, jusqu’à ce que la porte s’ouvre brusquement, laissant entrer un homme à l’allure pressée.

     C’était Lucien, un riche marchand bien connu du quartier dea Madeleine, habitué à commander des marchandises en gros pour ses événements. Mais cette fois, quelque chose dans son visage trahissait une certaine urgence.

— Je dois avoir une commande spéciale pour ce soir, déclara-t-il d’une voix grave en se précipitant vers le comptoir.

     Le soir même, un grand banquet était organisé par l’une des familles les plus influentes de Paris, et tout le monde savait que Lucien ne laissait rien au hasard. Sa commande devait être parfaite. Ndi go'o s'avança calmement, sans laisser paraître la moindre inquiétude.

— Quelle est la commande, monsieur Lucien ? demanda-t-elle, son regard perçant croisant celui du marchand.

— J'ai besoin de cinquante nappes en soie, avec des ornements brodés à la main, ainsi que cent pochons en tissu transparent, fermés avec des ficelles de soie, tout cela avant la tombée de la nuit.

     Ndi go'o écarquilla les yeux. Elle s'était mise à réfléchir longuement. Un tel délai était tout bonnement impossible à tenir, et tout le monde le savait. Les nappes, bien que relativement simples à produire, nécessitaient tout de même plusieurs heures de travail chacune, sans compter les broderies qui demandaient une attention minutieuse. Quant aux pochons, malgré leur petite taille, ils demandaient un soin particulier pour la confection et l'installation des ficelles de soie. Une telle commande représentait plusieurs centaines d'heures de travail, bien au-delà de ce que l’équipe pouvait accomplir en une seule journée.

    Lucien , sentant la tension monter, insista :

— Je suis prêt à verser une avance conséquente. Si cette commande n’est pas prête, ce sera une catastrophe. Et je ne parle pas seulement pour moi.

     Ndi go'o réfléchissait encore. Chaque seconde comptait. Elle savait que si la boutique échouait, cela ruinerait sa réputation, mais aussi que le manque de temps rendait la tâche titanesque. Pourtant, elle ne se laissa pas décourager.

— Vous aurez votre commande, dit-elle avec assurance.

     Ndi go'o se dirigea vers la réserve, là où étaient entreposées les rares nappes déjà prêtes. Elle compta rapidement : il n’y en avait que vingt. Pas assez. Mais grâce à son intuition, elle avait une idée.

     Alors qu'elle était à la caisse, elle avait réuni les couturières autour du comptoir pour une réunion d'urgence.

— Nous devons répartir le travail. Envoyons des messages aux autres artisans dans le quartier. Ils pourront prendre en charge une partie de la confection des nappes et des pochons. Camille pourrait s'en occuper, non ?

     Soudain, elle réalisa qu'elle n'avait pas vu Camille, la fille de Lonra, depuis le matin.

— Où est Camille ?

— Je l'ai envoyée à un dîner.

— Un dîner ? Mais avec qui?

— Avec le fils d'un riche. Elle avait mieux à faire, répondit Lonra.

La peau noire Où les histoires vivent. Découvrez maintenant