Arigato

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Ndi Go'o sortit discrètement de l'appartement, espérant ne pas réveiller Juma ou Kebi.

Elle marchait dans les rues de Paris, cherchant à apaiser son esprit agité. L'idée de son rendez-vous chez Coco Chanel flottait dans sa tête, mais ce n'était pas la seule chose qui la tourmentait. Ses pensées s'embrouillaient entre la situation avec Juma, les souvenirs de leur père, et l'avenir incertain qui l'attendait.

Le Paris du soir était un silence assez étonnant aujourd'hui. Les réverbères diffusaient une lumière douce et dorée, projetant des ombres longues et parfois difformes sur les pavés irréguliers. Le bruit des voitures se faisait rare, remplacé par l'écho lointain d'une calèche ou le chuchotement du vent qui souffle doucement entre les immeubles. Parfois, une brise légère transportait l'odeur du café encore présente dans l'air ou celle des boulangeries fermées depuis peu.

Les façades des bâtiments anciens, baignées dans cette lumière tamisée, donnaient aux rues un charme nostalgique, comme figées dans le temps. Les terrasses des cafés, étaient vides ou à peine peuplées de quelques noctambules. Sur les rives de la Seine, le clapotis de l'eau se mêlaient au murmure des rares passants.

Par moments, une silhouette solitaire pouvait apparaître, avançant doucement sous le halo des lampadaires. Les quelques conversations que l'on percevait étaient feutrées, et les rires se faisaient légers.

Paris la nuit semblait plus lente, presque endormie.

Elle marchait d'un pas hésitant, sans but précis.

Elle s'arrêta finalement devant une boutique aux vitrines somptueuses. Derrière les grandes baies vitrées, des mannequins portaient les créations de Coco Chanel. Elle les reconnaîtrait entre mille sans avoir besoin de vérifier l'étiquette. Elle avait du mal à croire qu'elle devait se rendre à la rue Cambon le lendemain pour ce fameux rendez-vous.

- "Est-ce que je suis vraiment à ma place ici ?" murmura-t-elle pour elle-même, se sentant soudainement minuscule face à la grandeur de ce monde qu'elle avait toujours vu comme inaccessible.

Elle se perdit dans l'observation des robes, des tailleurs et des tissus. Elle avait toujours rêvé de travailler comme couturière chez Coco Chanel depuis qu'elle était ici à Paris. Et Chanel en personne lui avait peut-être donné la chance de réaliser ce rêve. Mais maintenant, pourquoi avait-elle si soudainement peur ? Et peur de quoi au juste ? Elle détourna le regard sentant soudainement les larmes lui monter aux yeux. Et surtout, pourquoi était-elle aussi sentimentale aujourd'hui ? Il fallait qu'elle se ressaisisse. Il ne fallait pas être faible.

Soudain, une voix familière la tira de sa rêverie.

- "Indigo ?"

Elle se retourna brusquement et se trouva face à un homme qu'elle reconnut immédiatement.

- "Mano ?" répondit-elle, surprise.

Mano sourit, mais son visage était empreint de fatigue. Il portait un manteau qui était un peu trop large sur ses épaules. Soudain, elle remarqua qu'il avait de plus en plus les joues creuses.

- "Que fais-tu ici, si tard ?" demanda-t-il doucement. "Tu ne dors pas ?"

- "Je... je réfléchissais," répondit-elle évasivement. "Et toi ?"

- "Je travaille tard ces jours-ci. J'aurais dû finir depuis dix-neuf heures, mais que veux-tu ? Paris n'est pas tendre avec nous, les étrangers." Il marqua une pause, observant son visage tendu. "Tu as l'air préoccupée."

Ndi Go'o baissa la tête et se contenta de sourire faiblement face à cette remarque. Elle réajusta son écharpe autour de ses bras.

Mano plissa les yeux et pencha la tête de côté en allongeant la bouche comme s'il cherchait à lire en elle.

La peau noire Où les histoires vivent. Découvrez maintenant