Mukaté

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     Après avoir remis la clé au commis de Boucarré, Ndi Go'o rentra chez elle. Elle trouva sa sœur Juma et son frère Kebi en train de cuisiner en silence.

     Juma, concentrée sur l'épluchage d'un petit tat de pommes, leva à peine les yeux quand Ndi Go'o entra.

— Tu es rentrée tard, murmura Juma, sans réelle curiosité.Ndi Go'o haussa les épaules.

— Beaucoup de choses à faire à la boutique aujourd'hui, répondit-elle simplement en se dirigeant vers l'évier pour se laver les mains.

     Le silence retomba, interrompu seulement par les bruits sourds des ustensiles de cuisine. Comme tous les soirs, à 21h précises, leur mère les appela depuis le village.

— Allô, mes enfants, vous allez bien ? s'enquit-elle d’une voix fatiguée.

— Oui maman, répondit Kebi en premier, tout en se rapprochant du combiné.

     Chacun parla brièvement avec elle, échangeant les banalités de la journée. Ils riaient, se taquinaient. Projectait d’aller ici ou là lorsqu'ils se retrouveront tous ensemble. Juma faisait des allers retours entre le salon et la cuisine pour contrôler le bouillon de pommes qui était au feu.
     L’appel avait été plus court que d’habitude. Visiblement, tout le monde semblait fatigué.

     Ils s’installèrent enfin à table. Toujours en silence. C'est alors que Kebi lança

— J’ai vu Juma avec un garçon aujourd’hui, lâcha Kebi d’un ton accusateur, les bras croisés.

Juma le regarda, les yeux écarquillés.

— Quoi ? Pourquoi tu dis ça devant tout le monde ?

— Parce que c’est la vérité ! Je vous ai vus près de la boutique de confiseries, et après ça, il m'a provoqué. Je me suis battu avec lui, expliqua Kebi, son ton montant d’un cran.

     Ndi Go'o fronça les sourcils, tout en essuyant ses mains.

— Vous vous êtes battus ? Pourquoi tu ne m’as rien dit, Kebi ? demanda-t-elle, tentant de maintenir son calme.

— Ce n’est rien, intervint Juma avec exaspération. Je suis assez grande pour savoir qui est dangereux ou non.

    Ndi Go'o, bien que souvent patiente, sentit la colère monter.

— Juma, tu es peut-être grande, mais tu es aussi irresponsable, répondit-elle d'une voix plus ferme. On ne peut pas se permettre d’avoir une autre bouche à nourrir si tu venais à... tomber enceinte.

  Juma se redressa, offensée.

— Alors c’est ça, hein ? Tu penses que je suis si irresponsable que ça ? cria-t-elle, les larmes aux yeux.

— Je t’ai protégée parce que je pensais que tu étais encore une enfant, mais visiblement tu grandis plus vite que je ne l’imaginais, rétorqua Ndi Go'o, essayant de maîtriser ses émotions. Maintenant, il est temps pour toi de chercher un travail. Ça te permettra d’être occupée au lieu de passer ton temps à fleurter avec des garçons.

     Juma se leva brusquement de la table.

— Je n’ai pas besoin de ton travail ou de tes conseils ! s’écria-t-elle avant de quitter la pièce en claquant la porte de sa chambre.

     Le silence retomba encore, plus lourdement. Kebi soupira et se leva à son tour.

— Je vais me coucher, murmura-t-il. Il prit des draps et s’installa sur le canapé.

     Ndi Go'o resta seule à la table, contemplant une vieille photo de famille où ils posaient tous avec leur père. Les souvenirs affluèrent alors.

La peau noire Où les histoires vivent. Découvrez maintenant