XXVIII.
Extrait du carnet de Natanael Fredriksson
18 Mars 1917, Troyes
C'est sans réelle gaieté de cœur que je dois bien admettre que ma nationalité me soulage d'une grande épine dans le pied. La neutralité de la Suède me libère en effet assez de temps pour éviter d'aller me faire lentement mais sûrement mutiler au front — du reste, je ne m'en fais pas pour mes collègues ; Quincey a toujours eu cette inébranlable capacité à se tirer des pires situations et Silas n'aurait n'importe comment pas supporté de rester inactif dans une telle époque. Je ne coucherai pas sur papier de quelconques inquiétudes entendu que je m'avère persuadé de ce qu'elles n'auraient rien de constructif à faire dans un ouvrage de sciences.
Du reste, ma solitude relative au sein du Département — les Hiljainen nous harcèlent pour nous confier un jeune élément de leur nombreuse progéniture ; j'ignore sur quoi le patriarche aura pu argumenter sa non-réquisition au sein de l'armée ; cette famille ne m'est pas sympathique — me permet au moins d'analyser le cas de la petite Cora tant que je le peux.
En ce qui concerne cette enfant, j'ai l'orgueil de croire que mes soins assidus sont parvenus à apaiser très nettement ses brûlures. Les sédatifs traditionnels si besoin, les pansements de cérat et les bains salins conseillés par l'Hôtel-Dieu ont eu leur petit effet ; la cicatrisation me rend sincèrement optimiste, d'autant qu'elle s'avère pratiquement complète.
La jeune Cora, quant à elle, est véritablement une jeune fille bien plus fascinante qu'on ne pourrait le croire. L'accident la privera probablement de la parole tant son visage se révèle rigidifié par les cicatrices chéloïdes ; cependant elle ne s'y attarde pas. Elle se fait très bien comprendre par le biais de son carnet et je dois avouer qu'elle m'impressionne plutôt. Il serait hypocrite de ma part de me garder d'admettre que je m'y attache — cette petite a cette force de caractère silencieuse qui me la fait voir peut-être comme l'enfant que je n'aurai jamais. Ça n'est, en y réfléchissant, ...pas vraiment la question. Nous discutons de lui concevoir un masque. Se voir elle-même dans un miroir lui est difficile.
Lundi, elle m'a toutefois tiré les cartes, ...et il est des choses que j'aurais préféré ne pas savoir.
À la nuit tombée, même jour.
L'endroit était bleuâtre.
« Nuit noire », de l'avis de certains, est une expression globalement assez incorrecte. Tous évoquent la nuit comme une période où les couleurs s'avalent entre elles jusqu'à ne laisser, à peine, — qu'un genre de mare de goudron qui bouillonnerait jusqu'à l'aube. Physiquement parlant, cet énoncé est franchement faux et ce pour plusieurs raisons.
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LE DÃPARTEMENT DES DOSSIERS SURNATURELS - 5, rue Champeau
Mystery / Thrillerðð«ðšð²ðð¬, ðððð, ð ð«ðð§ðð. ðð ð±ððŠð¶ðµ. Le ciel bouillonne des tombereaux de gris, et puis des reflets bizarres de violet et de bleu se prennent à ricocher sur les pavés humides. D'ici, la moindre couleur vient inonder les flaques ; d...