XIX. 𝚄𝚖𝚋𝚛𝚊 𝚜𝚒𝚗𝚎 𝚏𝚊𝚌𝚒𝚎 𝚒𝚗 𝚗𝚘𝚌𝚝𝚎

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« Camille était un polisson à la face ronde, au petit nez retroussé et aux grands yeux bleus, comme la lune en décembre. Il aimait toujours à courir dans les hautes herbes et ne se plaignait jamais de quelque manière que ce fut. Antigone et Desdémone, elles, me paraissaient comme des chats sauvages ; il ne passait pas un jour sans qu'elles ne viennent faire tinter mes lanternes. Le monde des elfes, une fois qu'on se résout à y baisser le nez, est un microcosme particulièrement fascinant »

Hippolyte Gualtieri, les Quatre Elfes, 1913, page 5



XIX.



Charles était un jeune homme de totale bonne foi. L'inviter chez vous impliquait généralement de le retrouver à peine une heure plus tard en train de vous aider avec enthousiasme sur globalement toutes les tâches ménagères imaginables au sein d'une maison, passant de la confection d'un gâteau au yaourt à des travaux de ferronnerie. Les très jeunes enfants ont cette capacité quasi-surnaturelle à ne jamais se lasser vraiment, ni se sentir exploités, ni encore se fatiguer au bout du compte — ce genre de dons se partageant assez avec les labradors — ; Charles, à vingt-cinq ans, fonctionnait encore sur le même schéma sans toutefois avoir remarqué que la chose relevait légèrement de l'inhabituel.

...Néanmoins, en ce jour de septembre 1932, son enthousiasme avait trouvé son maître. Oh, oui, bien sûr, — Rasmus, Marie et lui avaient eu à faire lorsqu'il s'était agi de forcer la porte du placard. Puis ils avaient rassuré Mme Vuillemin. Puis, ils avaient rassuré du même coup Monsieur Vuillemin, — qui toutefois par un genre de fierté masculine mal placée d'époque avait bien pris soin de faire comprendre qu'il n'avait pas besoin d'être rassuré par quiconque ni en quelque manière que ce soit. Puis, Marie s'était mise à bousiller les escaliers en les montant à répétition avec son nécrophone, et ils avaient dû, sur les hauts cris de la maîtresse des lieux, rédiger un constat de dommages un peu bancal.

...Actuellement, Charles s'était assis sur une marche juste à côté de Jérémie (qu'ils avaient extradé du placard près d'une heure plus tôt) et observait le morne échange entre Marie et Mme Vuillemin, de loin. Elles donnaient l'impression de deux tenniswomen qui n'attendaient au fond que d'en finir avec tout ça. Il avait assez réalisé qu'il ne servait pas à grand-chose pour l'instant et trouvait que tenir compagnie avec un mineur possédé était une assez chouette manière de se rendre utile.

Jérémie, quant à lui, — était roulé en boule, les genoux contre son torse, fixant le sol d'un air sombre. Par moments il chantonnait quelque chose que Charles ne comprenait pas vraiment. Une ligne de dermestes et de trogides descendait les escaliers, une fine masse mouvante qui dégageait un léger bruit de grouillements et de ronflements sourds ; Charles la suivait du regard, sans rien dire. Il aimait bien les insectes. Du reste, il ne détestait pas vraiment grand-chose.

« ...Comment tu te sens, Jérémie ? » demanda-t-il doucement, après un silence.

Charles n'y connaissait pas énormément en possession, ou du reste seulement quelques aspects théoriques. Discuter lui semblait donc une assez bonne approche de sociabilisation (en ignorant d'ailleurs totalement le fait que sociabiliser avec un garçon possédé n'est pas une idée de génie parmi tant d'autres). Jérémie laissa entendre un gargouillis aigu qui évoquait la contrariété.

« Écrase pas les insectes. C'est mes amis, » gronda Ophélie de sa voix très jeune.

« Ne t'en fais pas. Je ne vais pas écraser les insectes, » promit doucement Charles qui, n'importe comment, était du genre à pleurer en marchant sur un escargot. « Ils ne m'ont rien fait.

LE DÉPARTEMENT DES DOSSIERS SURNATURELS - 5, rue ChampeauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant