La nuit fut lourde d'insomnies, chaque battement de cœur de Gabriel semblant résonner dans l'obscurité comme un écho du passé qui refusait de s'éteindre. Allongé dans le lit d'appoint de chez Esteban, Gabriel fixait le plafond, les pensées se bousculant, entremêlées de sentiments contradictoires. Une part de lui aspirait à la sécurité, à cette chaleur réconfortante d'avoir retrouvé une famille qu'il ne savait plus espérer. Mais une autre part, farouche et inébranlable, brûlait d'une soif de justice, d'une volonté presque désespérée de retrouver les corps des enfants disparus, pour que leurs familles puissent, enfin, faire leur deuil.
Au petit matin, l'aube se leva avec la froideur d'un souffle glacé, pourtant Gabriel se sentait déterminé. Habillé simplement, le regard lourd mais résolu, il se dirigea vers les archives de la ville, un lieu où l'air semblait toujours être chargé d'une poussière de secrets et de regrets. Il feuilleta les dossiers jaunis, les mains tremblantes de fatigue et d'émotion, jusqu'à ce qu'il retrouve les adresses des familles des victimes.
Il en nota plusieurs, serrant le crayon entre ses doigts à s'en blanchir les jointures, conscient de l'ampleur de ce qu'il s'apprêtait à faire.
La première maison qu'il visita semblait usée par le temps, les volets décolorés et la façade croulant sous les années d'attente douloureuse. Gabriel inspira profondément avant de frapper. La porte s'ouvrit légèrement, laissant apparaître le visage fatigué d'une femme d'âge mûr, ses yeux ternis par la tristesse.
“ Bonjour, madame... Je m'appelle Mattheo Gilbert... “Son introduction flottait dans l'air, fragile et incertaine. Mais avant qu'il ne puisse dire autre chose, la porte se referma presque aussitôt. Gabriel, le cœur battant, posa sa main sur le bois froid, ses doigts tremblants d'une tension qu'il tentait de maîtriser. Il parla alors à travers la porte, sa voix cassée par l'émotion.
“ Je comprends que vous ne me croyiez pas... J'ai retrouvé mes frères et sœurs hier, peut-être les connaissez-vous, Esteban, Malo, Anaëlle... Je suis ici pour vos enfants... pour les retrouver. “Un silence pesant suivit, et Gabriel pensa un instant qu'il serait ignoré. Mais doucement, la porte s'ouvrit de nouveau, et la femme le laissa entrer. Assise dans son modeste salon, elle écouta Gabriel en silence, son visage figé comme une statue. Lorsqu'il sortit les photocopies des photos qu'il avait trouvées au camp de scouts, la femme porta une main tremblante à sa bouche, les larmes débordant sans retenue.
“ J'y suis allé... Dans une tente, j'ai trouvé cet appareil photo jetable. Je les ai développées, et je me suis dit que vous aimeriez garder ces sourires. “Elle attrapa les photos avec une précipitation douloureuse, puis se jeta dans ses bras, pleurant sans retenue. Gabriel la serra doucement, le cœur serré d'une tendresse infinie pour cette douleur qu'il comprenait trop bien.
“ Vous êtes un garçon si gentil, si courageux... “, murmura-t-elle.Puis, avec précaution, Gabriel sortit un portrait-robot, le visage de l'homme qu'il avait vu, une image gravée au couteau dans sa mémoire.
“Voici l'homme qui... qui nous a enlevés. L'avez-vous déjà vu ? “Le chagrin de la mère se transforma en colère muette, un frisson de rage la traversant. Mais elle secoua la tête. Ce visage, elle ne le connaissait pas.
Pour ceux qui refusaient de lui ouvrir, Gabriel respectait leur choix. Il glissait simplement les photos sous la porte, un dernier cadeau, puis s'en allait, le cœur serré, laissant ces familles continuer leur deuil à leur manière.
Il arriva devant une maison plus grande, avec une allée impeccable. Lorsqu'il frappa, un homme ouvrit la porte, son visage creusé par des années de chagrin. Gabriel s'humecta les lèvres, le goût amer de la tension envahissant sa bouche.
“ Bonjour, êtes-vous monsieur Michel, votre femme est ici? “ demanda-t-il.
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L'envers des ombres
Mystery / ThrillerQuand Gabriel reçoit une lettre énigmatique l'invitant à explorer les mystères d'un village perdu, il y voit une opportunité de raviver son inspiration d'écrivain. Mais dès son arrivée, une étrange sensation s'empare de lui, comme si les ombres même...