Gabriel se réveilla en sursaut, le souffle court. L'alerte du téléphone continuait à vibrer dans le silence de la nuit. Son cœur battait à tout rompre, chaque pulsation amplifiant l'angoisse qui lui martelait les tempes. Les images de la caméra de sécurité défilèrent sous ses yeux : un homme, masqué, s'approchant lentement de la porte d'entrée, telle une ombre menaçante. Un frisson glacé lui traversa l'échine. Instinctivement, il enfila une paire de chaussures, son torse encore nu, exposé à l'air froid de la nuit. Les muscles de ses bras et de son dos se tendirent, chaque fibre de son être sur le qui-vive, comme une proie acculée.
D'une main tremblante, Gabriel retira l'armoire devant la porte, espérant éviter tout bruit. Mais à l'instant où il ouvrit la porte, l'homme l'attendait déjà. Une silhouette massive et obscure s'engouffra dans la pièce, se jetant sur lui. Gabriel fut plaqué au sol, l'air brutalement chassé de ses poumons, le choc le clouant sur le parquet glacé. Une lame étincelait devant son visage, éclairée par la faible lumière, lui rappelant un souvenir douloureux, presque irréel. Un souvenir de 17 ans auparavant.
Il eut un flash, une image confuse, mais terriblement vivante. Un couteau, une nuit, et cette même peur paralysante. Mais cette fois, il comprit. C'était la vérité, une évidence éclatante : il était Mattheo. Un frisson plus profond, presque viscéral, le traversa. Ce moment le hantait, le destin l'avait rattrapé.
D'un élan de pure survie, Gabriel repoussa l'homme d'un coup de pied puissant, ses pieds s'enfonçant dans le bois froid et dur du sol. Il sentait chaque nerf de son corps vibrer de douleur et de tension, son souffle rauque et irrégulier. Se redressant, il donna un autre coup de pied en plein ventre de son assaillant, se sentant à la fois vulnérable et étrangement invincible, comme s'il renaissait sous cette identité enfin retrouvée. Il parvint à refermer la porte, les mains moites de sueur et d'adrénaline, son cœur battant si fort qu'il en sentait chaque pulsation jusque dans ses tempes.
Dans un mouvement désespéré, il saisit son sac à dos et y jeta tous les éléments de l'enquête. Ses mains tremblaient sous l'urgence du moment, alors qu'il luttait pour contenir la terreur montante qui se resserrait autour de sa poitrine. Chaque seconde lui semblait une éternité, le silence de la nuit brisé seulement par son souffle haletant et les battements frénétiques de son cœur. Il savait qu'il devait fuir, que la porte ne tiendrait pas longtemps.
Il attrapa son couteau suisse et ouvrit la porte qui se fendait déjà sous les coups de l'homme, une sueur froide coulant le long de sa colonne vertébrale. Dès qu'il tenta de sortir, l'homme, enragé, le rattrapa, l'agrippant avec une force brutale. Un sourire féroce aux lèvres, il murmura, d'une voix sifflante et glaciale : « Je comptais te garder en vie encore un peu, mais vu ton attitude, tu mourras ici, Mattheo ! »
Gabriel sentit la lame lui entailler les côtes. La douleur, aiguë et brûlante, irradia de sa poitrine jusqu'à son dos. Il serra les dents, luttant pour ne pas crier, puis répliqua d'un geste vif, plantant son couteau suisse dans le bras de l'assaillant. Un hurlement emplit la pièce, perçant le silence de la nuit. L'homme lâcha son couteau, et Gabriel, enragé, lui asséna un coup de poing au visage, ressentant l'impact jusque dans ses phalanges. Il se retourna pour s'enfuir, mais une douleur atroce transperça soudain son bas du dos, comme un feu brûlant qui se propageait.
Il se retourna, titubant, et aperçut le visage découvert de l'homme, son sourire cruel, ses yeux étincelant d'une satisfaction diabolique. « C'en est fini de toi », souffla-t-il, savourant sa victoire imminente.
Le souffle de Gabriel se brisa, la douleur pulsant dans son dos, irradiant à chaque mouvement. Ses jambes tremblaient, mais il savait qu'il ne pouvait pas abandonner. Dans un ultime élan, il rassembla tout ce qui lui restait de force et frappa l'homme, arracha les clés de voiture et se précipita dehors, le goût métallique du sang emplissant sa bouche, les battements de son cœur résonnant dans ses oreilles.
Il tituba jusqu'à la voiture, son corps endolori, chaque pas l'éloignant un peu plus de l'inconscience qui le guettait. Ses mains, glissantes de sueur et de sang, tenaient fermement le volant tandis qu'il roulait, ses yeux luttant pour ne pas se fermer. Les lumières de la route défilaient dans un flou chaotique, et il ne savait même pas où trouver l'hôpital le plus proche. Sa respiration était haletante, chaque inspiration une torture.
Il s'accrocha à un dernier espoir, un nom qui résonnait dans sa mémoire : l'homme dont la fille avait disparu il y a vingt ans, le seul qui pourrait comprendre. Arrivé devant sa porte, il tambourina, ses poings s'écrasant faiblement contre le bois. Ses jambes fléchirent, et il se maintint en s'appuyant à l'encadrement de la porte. Quand l'homme ouvrit, Gabriel leva les yeux vers lui, ses lèvres tremblantes et bleuies de froid. « S'il vous plaît... aidez-moi... », murmura-t-il, à bout de souffle.
L'homme, choqué, le regarda, ses yeux s'agrandissant d'horreur en voyant le torse nu de Gabriel, couvert de marques violacées, de bleus, et de sang frais coulant encore sur son flanc. Gabriel sentit ses forces l'abandonner, ses genoux fléchir, et la douleur se noyer dans un épuisement profond et irrépressible. Il s'effondra, ses dernières pensées brouillées par la douleur et l'urgence de survivre.
L'homme, affolé, se précipita pour le maintenir éveillé, le secouant, lui murmurant de ne pas fermer les yeux. Gabriel sentit les gifles, mais elles étaient lointaines, presque fantomatiques. Il sentit qu'on le portait, que son corps endolori basculait, puis on le déposa dans une voiture. Les vibrations de la route le secouaient doucement, comme une berceuse étrange, tandis que son esprit, déjà à moitié éteint, s'abandonnait à l'obscurité, avec un seul nom qui résonnait dans le silence : Mattheo.
La voiture dévalait la route de campagne, ses phares illuminant des bribes de paysage qui disparaissaient aussitôt dans la nuit sombre. Les mains de l'homme étaient crispées sur le volant, ses jointures blanchies sous la pression. Chaque minute qui passait semblait étirer le temps, comme si l'univers tout entier conspirait pour ralentir ce moment de vie ou de mort.
Il jeta un regard rapide vers Gabriel, affalé sur le siège passager. Son torse se soulevait par à-coups, chaque inspiration laborieuse arrachant un peu plus de couleur à son visage déjà blême. Une sueur froide perla dans le dos de l'homme, glissant entre ses omoplates, tandis que l'image de ce jeune homme inconscient lui percutait l'esprit avec la force d'un coup de poing. Gabriel ressemblait à un enfant, vulnérable et perdu, le visage pâle et marqué de douleur, comme s'il luttait contre des ombres qui le hantaient encore dans son sommeil.
Il accéléra, écrasant la pédale, le cœur battant à tout rompre, plus fort que le bruit sourd du moteur. Les arbres autour d'eux se transformaient en lignes floues, et chaque virage lui faisait serrer les dents. La route déserte s'étirait, sombre et impassible, comme un couloir sans fin qui se refusait à les amener au bout. Les phares des lampadaires, rares et lointains, ne faisaient qu'accentuer l'obscurité écrasante autour d'eux.
Un sentiment d'impuissance lui tordait les entrailles. En serrant un peu plus le volant, il ne pouvait empêcher une question obsédante de surgir dans son esprit : et si Gabriel ne s'en sortait pas ? Et si cette nuit scellait la fin de ce garçon qu'il connaissait à peine, mais qu'il avait vu se battre, peut-être même revivre des souvenirs dont lui-même ne pouvait rien saisir ?
L'homme prit une grande inspiration, tentant de contrôler les battements désordonnés de son cœur. Ce jeune homme allongé à côté de lui, à moitié conscient et couvert de sang, était le seul lien qu'il avait avec une affaire vieille de plus de trente ans. La douleur et le désespoir des années passées lui revinrent en pleine face, aussi vifs et aigus qu'à l'époque de la disparition de sa fille. Ce visage ensanglanté était devenu un symbole, une nouvelle chance de comprendre ce qui lui avait échappé, peut-être même de trouver des réponses à la tragédie qu'il n'avait jamais pu oublier.
Chaque respiration laborieuse de Gabriel résonnait dans l'habitacle comme une imploration silencieuse, et l'homme accéléra encore, poussant la voiture à sa limite. Des pensées confuses se bousculaient dans son esprit, des souvenirs d'une autre époque, d'un autre jeune homme tout aussi vulnérable. Il aurait voulu parler, dire quelque chose pour apaiser ce garçon luttant contre la douleur et les ombres de son passé. Mais les mots lui manquaient, tout comme le temps.
La route vers l'hôpital semblait interminable, une ligne droite vers l'inconnu. Les lumières de la ville se rapprochaient, et il lança un regard désespéré à Gabriel, murmurant une prière silencieuse pour que ce dernier tienne bon, que la vie ne l'abandonne pas avant qu'ils n'atteignent le bout de cette route.
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L'envers des ombres
Mystère / ThrillerQuand Gabriel reçoit une lettre énigmatique l'invitant à explorer les mystères d'un village perdu, il y voit une opportunité de raviver son inspiration d'écrivain. Mais dès son arrivée, une étrange sensation s'empare de lui, comme si les ombres même...