Une Vie en Quête de Mémoire

Chapitre 14 : La Démone aux Yeux de Sang

Lynelle fut emmenée dans un endroit sombre et humide. Le cachot dans lequel elle se trouvait était d'une simplicité déconcertante : des murs de pierre froide, une maigre couche de paille au sol, et une petite fenêtre au plafond par laquelle filtrait à peine un rai de lumière. Elle était assise sur le sol, privée de son épée et de sa capuche. Un frisson la parcourut alors qu'elle comprenait pleinement la situation : elle était captive, en attente de jugement par le seigneur de Briseciel.

Elle se redressa, prenant une inspiration pour évaluer son environnement. Le silence pesant de la cellule semblait amplifier le bruit de chaque goutte d'eau tombant régulièrement du plafond. Elle n'avait aucune idée du temps qu'elle passerait ici, mais une chose était certaine : elle aurait du temps à perdre.

S'adossant au mur, elle ferma les yeux et se laissa aller à ses pensées. Bien sûr, elle revint immédiatement à cette rencontre avec Elias. Elle ne pouvait s'empêcher de repenser à ce garçon qui la suivait partout, avec son sourire et son regard espiègle. Elle le considérait comme un idiot, peut-être même un peu pervers, toujours dans son dos, comme une ombre intrusive. Une part d'elle ne regrettait pas de l'avoir frappé – il l'avait bien mérité, après tout, avec son insistance maladroite et ses commentaires déplacés.

Pourtant, une autre part d'elle ressentait une pointe de remords. Elle n'aurait peut-être pas dû laisser sa colère exploser de la sorte. Elle savait qu'un tel acte de violence était indigne d'elle et de son surnom. Elle avait appris à se contrôler, à ne pas laisser ses émotions la submerger... mais en cette occasion, elle avait échoué. Elle serra les dents, frustrée par sa propre impulsivité. Avec le recul, elle se dit qu'il avait peut-être simplement cherché à l'aider dans une ville inconnue. Une pensée agaçante qu'elle s'efforça de repousser.

Lynelle, enchaînée par la solitude de sa cellule, finit par succomber au sommeil. Ses pensées s'effilochèrent dans la brume onirique, et elle se retrouva soudain dans un décor tout autre : une pièce chaleureuse, baignée d'une lumière douce et dorée. Des murs de bois aux teintes chaudes, une cheminée où crépitait un feu accueillant... un contraste apaisant avec la froideur de son cachot. Au centre de la pièce, un fauteuil finement sculpté, dans lequel une femme était assise.

Lynelle sentit une étrange familiarité l'envahir, comme si elle connaissait cette femme sans pouvoir se rappeler comment. La femme, élégante et gracieuse, avait une présence douce mais imposante. Ses yeux rouges, perçants et captivants, brillaient d'une lumière énigmatique, tandis que ses longs cheveux blancs retombaient sur ses épaules, rappelant les neiges éternelles.

Lynelle resta immobile, prise entre l'émerveillement et la confusion. La femme leva les yeux vers elle, un sourire bienveillant illuminant son visage.

« Te revoilà petite, » dit-elle d'une voix douce mais assurée, emplie de chaleur.

Lynelle, troublée, déglutit avant de poser une question hésitante.

« Je me souviens, c'est dans ce rêve... Comment vous appelez-vous ? »

La femme eut un léger sourire mystérieux, mais quelque chose dans ses yeux exprimait une profondeur de tristesse et de force. Elle posa doucement ses mains sur ses genoux, se penchant légèrement vers elle.

« On m'appelle la Démone aux yeux de sang. »

Lynelle tressaillit. Ce surnom lui semblait étrange, presque absurde pour une personne dégageant autant de bienveillance. Elle fronça les sourcils, ne comprenant pas le sens de ce nom.

« Pourquoi... pourquoi ce nom ? » balbutia-t-elle.

La femme inclina la tête, comme amusée par sa question. « Les gens aiment les légendes, qu'elles soient vraies ou non, » répondit-elle simplement, un éclat de malice dans le regard. « Mais tu peux m'appeler Astrid. »