Une Vie en Quête de Mémoire

Chapitre 15 : L'Appel du Fief

Lynelle fut escortée hors du cachot par deux gardes en armure légère, leurs pas résonnant lourdement dans les couloirs de pierre du domaine de Briseciel. Bien qu'on lui ait rendu une certaine liberté de mouvement, elle sentait toujours la méfiance planer autour d'elle. Arrivant devant les imposantes portes de la salle d'audience, l'un des gardes frappa trois fois, et les battants s'ouvrirent lentement, révélant une vaste salle à la fois austère et majestueuse.

Le seigneur de Briseciel siégeait au bout de la pièce, sur un trône simple mais imposant, fait de bois massif et orné de motifs sculptés représentant des montagnes et des rivières. Sa stature et ses traits sévères témoignaient d'un homme accablé par les responsabilités. Lorsqu'il posa les yeux sur Lynelle, il la détailla un instant, comme s'il jaugeait sa valeur avant même qu'elle n'ait ouvert la bouche.

Lynelle avança prudemment, tenant son regard, tandis que les gardes refermaient la porte derrière elle. Lorsqu'elle s'arrêta à une distance respectable, elle inclina légèrement la tête en signe de respect.

« Vous êtes donc celle qui a causé des remous dans mes terres, » dit le seigneur de Briseciel d'une voix grave, brisant le silence. « Expliquez-moi pourquoi je ne devrais pas vous condamner pour votre violence. »

Lynelle serra les poings, gardant son calme. « Mon geste était peut-être maladroit, mais mes intentions n'étaient pas mauvaises. Je ne suis pas venue ici pour causer des troubles, mais pour offrir mon aide. »

Le seigneur fronça les sourcils, intéressé malgré lui par sa réponse. Il se redressa légèrement sur son trône.

« Votre aide ? » Il haussa un sourcil. « Et que pourrait m'offrir une étrangère comme vous ? »

Lynelle inspira profondément. Elle repensa aux détails qu'elle avait remarqués en arrivant : la fontaine asséchée au centre du domaine, les terres arides autour de la ville. Elle leva les yeux vers le seigneur.

« Votre terre est sèche, et la fontaine au centre de votre ville ne coule plus. Ces signes montrent que quelque chose entrave l'irrigation de votre domaine. Peut-être... un monstre ? »

Un éclat passa dans le regard du seigneur. Il croisa les bras, pensif, avant de répondre d'une voix lente : « Vous êtes perspicace. Oui, un monstre. Une créature dans les montagnes de l'Est a gelé nos rivières. Son influence s'étend chaque jour davantage, et nos cultures en souffrent. »

Lynelle se redressa, son ton prenant une note plus assurée. « Laissez-moi vous aider. Si cette créature est à l'origine de votre problème, je peux l'éliminer. »

Le seigneur l'observa longuement, semblant peser ses mots. Puis il se pencha légèrement en avant, un intérêt visible dans ses yeux.

« J'ai entendu parler d'une vaillante combattante venant de Valefleur. Une fille surnommée 'La Flamme de Valefleur', reconnue pour son courage face aux entités. Vous êtes cette fille, n'est-ce pas ? » demanda-t-il en la scrutant, son cache œil attirant son attention.

Lynelle hésita un instant, surprise qu'on parle déjà d'elle ainsi. Finalement, elle hocha la tête.

Le seigneur reprit : « Vos cheveux distinctifs, cette épée que mes hommes ont confisquée... tout correspond. » Il fit un geste à l'un de ses conseillers, qui apporta une boîte contenant ses affaires. Se levant de son trône, le seigneur s'avança et ouvrit la boîte, dévoilant l'épée de Lynelle.

D'un geste solennel, il lui tendit l'arme. « Si vous êtes réellement celle dont on parle, alors je vous en pris, aidez-nous. Reprenez votre épée et sauvez mon peuple. »

Lynelle prit l'épée avec respect, sentant le poids familier et de la responsabilité dans sa main. Elle inclina légèrement la tête, retenant une pointe d'émotion.

Le seigneur de Briseciel se tenait face à Lynelle, lui ayant remis en main propre son épée confisquée plus tôt, les portes de la salle s'ouvrirent avec fracas, interrompant le moment.

Cinq hommes entrèrent, leurs armures royales étincelant sous la lumière. Quatre chevaliers encadraient une figure centrale vêtue d'une tenue raffinée, ornée des insignes de la couronne. Lynelle n'eut aucun mal à reconnaître Elias, qui avançait avec une assurance presque déconcertante.

Le seigneur, debout à côté de Lynelle, tourna la tête vers les nouveaux arrivants, ses traits se durcissant.

« C'est tout ? » lança-t-il, son ton trahissant un mépris évident. « Cinq hommes pour une mission qui aurait dû être réglée il y a des semaines ? Et vous vous présentez maintenant, alors que mes terres s'assèchent et que mes gens souffrent ?! »

Elias s'arrêta, laissant ses chevaliers derrière lui, et répondit avec un sourire léger, les mains levées en signe d'apaisement.

« Seigneur, votre colère est compréhensible, mais je vous assure que nous ne sommes pas totalement démunis. Nous avons avec nous un mage compétent, capable d'intervenir contre les effets de la créature. »

Le seigneur de Briseciel plissa les yeux, son scepticisme visible. Il lâcha un soupir, puis, se tournant légèrement vers Lynelle, il déclara avec un sourire en coin :

« Il en faudra plus pour me convaincre. À vrai dire, j'ai plus confiance en cette jeune femme qu'en vos hommes. La Flamme de Valefleur, paraît-il, a déjà prouvé sa valeur. »

Elias détourna son attention vers Lynelle, posant sur elle un regard curieux et amusé. Il s'avança et s'inclina légèrement devant elle.

« Mademoiselle, » dit-il avec une courtoisie calculée, tendant une main vers elle, « peut-être que cette expédition marquera le début d'une collaboration fructueuse. »

Lynelle fixa Elias avec froideur. Sa main, toujours posée sur le pommeau de son épée fraîchement rendue, ne fit aucun mouvement pour accepter la sienne. Ignorant délibérément son geste, elle détourna les yeux et se tourna vers les gardes du seigneur.

« Montrez-moi la sortie, » dit-elle simplement, sa voix dénuée d'émotion. « Je préfère me préparer immédiatement. »

Les gardes échangèrent un regard avant de s'exécuter, ouvrant la voie à Lynelle. Le seigneur, témoin de l'échange, croisa les bras et éclata d'un rire sec, brisant le silence.

« Je vois que tout le monde ici connaît ses priorités, » dit-il, moqueur, en direction d'Elias. « Bon courage, émissaire. Vous en aurez besoin. »

Elias, un instant interdit, abaissa lentement sa main rejetée, un sourire légèrement gêné sur les lèvres. Lynelle quitta la salle sans un regard en arrière, laissant derrière elle le seigneur amusé et Elias, visiblement intrigué, dans le silence pesant de la salle d'audience.