Chapitre 13 : Briseciel

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Lynelle avait quitté Valefleur depuis quelques jours maintenant, et Briseciel, ville réputée pour sa taille et son activité, se dévoilait enfin devant elle. Cependant, l'image qu'elle s'était faite de cette grande ville était bien différente de la réalité qui s'étendait devant elle. L'air était lourd, le ciel gris et épais, et tout semblait terne et usé. Les rues étaient animées, mais pas de la vivacité chaleureuse des marchés de Valefleur ; ici, la foule se mouvait avec lenteur, des regards baissés, des visages tirés. Les habitants semblaient porter le poids invisible de la misère.

Lynelle se faufila dans la ville, consciente des regards qui s'attardaient sur elle. Son armure, bien que simple, son cache œil et ses cheveux aux reflets blondes et pointes rouges, attirèrent l'attention, et elle sentit les chuchotements qui se faisaient derrière elle. Décidée à passer inaperçue, elle se dirigea rapidement vers une petite auberge en bois qu'elle repéra près de la place centrale, où une fontaine asséchée témoignait de l'abandon de la ville.

À l'intérieur, elle discuta brièvement avec l'aubergiste. L'homme était aussi usé que la bâtisse, mais il lui accorda une chambre en échange de quelques pièces offertes par les habitants de Valefleur. Avant de monter, elle se renseigna sur la ville et les raisons de son apparente tristesse, mais les réponses de l'aubergiste furent évasives. Il semblait que même les mots devaient être échangés avec prudence ici.

Elle monta l'escalier grinçant, jetant des regards autour d'elle, attentive au moindre détail dans cet endroit où elle allait passer la nuit. Le couloir menant à sa chambre était étroit et sombre, les murs de bois renvoyant une odeur de vieux tabac et de résine, qui ajoutait au caractère rustique de l'endroit.

Elle avançait, concentrée, lorsque, sans prévenir, elle heurta de plein fouet quelqu'un dans le couloir. Surprise, elle perdit l'équilibre et tomba en arrière, son dos frappant le sol avec un bruit sourd. Clignant des yeux, elle leva le regard et découvrit un jeune homme, tout aussi surpris, qui se tenait devant elle.

Le garçon, aux traits fins et aux yeux pétillants, la regardait avec un sourire amusé, comme s'il trouvait la situation divertissante. Il se pencha légèrement, tendant une main pour l'aider à se relever.

« Eh bien, je crois que je ne m'attendais pas à croiser une chevalière dans un couloir d'auberge... encore moins une aussi mignonne, » lança-t-il avec un sourire espiègle.

Lynelle, encore un peu étourdie par la chute, sentit la gêne la gagner en entendant cette remarque. Ses joues s'empourprèrent, mais elle se redressa sans accepter la main qu'il lui tendait, refusant de montrer le moindre signe de faiblesse. Elle se releva avec dignité, lui jetant un regard glacial.

« Peut-être que tu devrais simplement t'excuser d'avoir bloqué le passage, » répliqua-t-elle sèchement, fixant ses yeux dans les siens.

Le jeune homme resta un instant silencieux, puis leva les mains en signe de paix, son sourire toujours accroché aux lèvres.

« Toutes mes excuses, mademoiselle, » répondit-il en s'inclinant légèrement, un éclat de malice dans le regard. « Je m'appelle Elias. »

Lynelle hocha la tête, acceptant ses excuses d'un léger mouvement, mais elle ne perdit pas de temps et tourna les talons sans un mot de plus. Elle avait bien autre chose à faire que de s'attarder sur ce garçon qu'elle trouvait un peu trop sûr de lui.

Elle s'éloigna dans le couloir, mais sentait encore le regard d'Elias fixé sur elle. Derrière elle, il l'observait partir, visiblement intrigué par cette mystérieuse inconnue au regard perçant.

Dans sa chambre, Lynelle se plaça devant un petit miroir fissuré, observant son reflet. Elle réalisa que son apparence pourrait attirer davantage de soupçons dans une ville aussi méfiante. Elle retira donc son armure, ne gardant que son épée à la ceinture, et enfila une cape à capuche pour dissimuler son visage. Ayant vérifié son inventaire, elle cacha quelques pièces d'or dans des endroits discrets, s'assurant d'avoir de quoi survivre même en cas de vol.

Prête, elle descendit les escaliers et sortit dans la rue, envisageant de se diriger vers le fief pour obtenir des informations. Mais à peine avait-elle franchi la porte qu'elle remarqua, en face de l'auberge, le jeune homme du couloir de l'auberge – Elias – assis sur un banc, comme s'il l'attendait. Leur regard se croisa, et il se leva immédiatement, s'approchant d'elle avec un sourire nonchalant.

Lynelle sentit un frisson d'irritation la traverser et, par réflexe, recula d'un pas, la main prête sur le pommeau de son épée.

Surpris, Elias s'immobilisa et leva les mains en signe de paix avant de s'incliner légèrement pour s'excuser. Lynelle, après un instant de méfiance, relâcha lentement sa garde et acquiesça d'un léger mouvement de tête. Elle détourna alors son attention et se dirigea vers le fief, espérant qu'il ne la suivrait pas.

Après quelques minutes de marche, elle atteignit l'entrée du château, où deux soldats plutôt vieux montaient la garde. Leurs armures étaient visiblement anciennes et mal entretenues, et ils semblaient presque autant fatigués que la ville elle-même. Lynelle s'approcha, mais avant qu'elle ne puisse parler, l'un des gardes lui fit signe de s'arrêter. Le second, plissant les yeux avec méfiance, s'avança pour l'interroger.

« Que voulez-vous, mademoiselle ? Le fief n'est pas accessible aux étrangers sans autorisation. »

Lynelle resta calme et répondit d'une voix respectueuse.

« Je suis ici pour des informations. J'aimerais en savoir plus sur cette ville et... peut-être parler à quelqu'un qui pourrait me renseigner. »

Le garde la scruta longuement, puis hocha la tête avec scepticisme.

« Attendez ici. Je vais voir si quelqu'un peut vous recevoir. Mais restez tranquille, on vous surveille. »

Il disparut à l'intérieur, laissant Lynelle seule. Elle soupira et s'adossa à un petit muret pour patienter, observant d'en haut la ville triste qui s'étendait sous ses yeux.

Une présence se fit soudainement sentir près d'elle. Par réflexe, Lynelle se retourna brusquement, sa main prête sur son épée. Elle découvrit Elias, de nouveau là, visiblement surpris par sa réaction. Il trébucha en arrière, son regard mêlant surprise et amusement.

Lynelle, exaspérée, lâcha d'un ton tranchant :

« Si tu es un stalker ou pire, un kidnappeur, je préfère te prévenir : je sais me défendre, et ça pourrait te coûter cher. »

Toujours au sol, Elias leva les mains pour apaiser la situation, un sourire amusé aux lèvres.

« Du calme, chevalière ! Je vous assure, je suis inoffensif... sauf peut-être pour moi-même, vu ma capacité à trébucher. C'est sûrement votre charme qui me fait perdre la tête. »

Lynelle rougit légèrement, mais son expression se durcit. Elle le trouvait insistant, et son air décontracté la mettait en colère. Serrant les dents, elle l'interrogea sans détour.

« Je ne suis pas chevalière, qu'est-ce que tu veux vraiment ? »

Elias haussa les épaules, son sourire désarmant.

Elias, se relevant répondit « Pardonnez moi, mais je vous trouve magnifique. Et puis, vous n'avez pas l'air d'ici, alors j'ai pensé que je pourrais... vous aider à vous orienter. »

Cette réponse, aussi directe qu'inattendue, la désarçonna. Elle se sentit bouillir de l'intérieur, convaincue qu'il se moquait d'elle. Sans réfléchir davantage, elle leva le poing et lui envoya un coup droit en plein visage, le projetant au sol, quelques mètres plus loin.

Les gardes, revenant à l'entrée à cet instant, furent témoins de la scène. Ils se précipitèrent vers elle, le visage sévère.

« Mademoiselle ! Cela suffit ! Vous ne pouvez pas agresser les gens en pleine rue ! Vous êtes en état d'arrestation pour acte de violence ! »

Lynelle, réalisant qu'elle avait peut-être réagi avec un peu trop de fougue, se retrouva immobilisée, une main ferme lui tenant le bras. Elle serra les dents, résistant à l'envie de se défendre plus violemment. La journée ne se déroulait pas du tout comme elle l'avait espéré...

Une Vie en Quête de MémoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant